(Montréal) Québec n’injectera pas, pour le moment, d’argent public dans SNC-Lavalin même si la firme a vu sa valeur boursière plonger de plusieurs milliards de dollars au cours des derniers mois, ce qui l’expose davantage à une prise de contrôle.

À Montréal, mercredi, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a concédé que l’entreprise était confrontée à des « problèmes opérationnels qui sont évidents », mais il estime qu’elle n’a pas besoin d’une injection de capital.

« Je ne vois pas, pour le gouvernement du Québec, le besoin d’intervenir au niveau financier, a-t-il dit en marge d’une annonce. Ce qu’il faut faire, c’est la restructuration des activités. »

SNC-Lavalin a été secouée à la Bourse de Toronto après avoir annoncé, lundi, qu’elle abandonnera les contrats à prix fixe — qui peuvent plomber les bénéfices lorsqu’il y a des dépassements de coûts —, la comptabilisation d’une charge de 1,9 milliard et le retrait de ses prévisions pour l’exercice. L’entreprise n’a pas sollicité le gouvernement Legault en vue d’une aide financière.

Ces déboires s’ajoutent aux accusations criminelles qui pèsent à son endroit pour des gestes qui auraient été posés en Libye. Un verdict de culpabilité pourrait empêcher la firme de construction et d’ingénierie d’obtenir des contrats fédéraux pendant 10 ans.

Sur le parquet de Bay Street, mercredi, en fin de séance, le titre de la firme québécoise cotait à 21,24 $, en recul de 27 cents, ou 1,26 %. Cela conférait une valeur boursière d’environ 3,73 milliards à la société, par rapport à environ 8 milliards au début de l’année.

Il n’y a pas d’actionnaire de contrôle chez SNC-Lavalin, mais la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) détient une participation d’environ 20 %, ce qui n’est pas suffisant pour bloquer une offre hostile.

« Écoutez, s’il y avait une opération requise pour sauver (la compagnie) en raison d’une offre hostile, nous pourrions intervenir, a expliqué M. Fitzgibbon. Mais à ce moment-ci, nous sommes plutôt des observateurs. »

Néanmoins, le ministre de l’Économie a insisté pour rappeler que SNC-Lavalin n’avait pas de problèmes de liquidités, citant la vente de sa participation dans l’autoroute à péage 407 en Ontario.

Les deux autres propriétaires de l’autoroute 407 — l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada et Cintra Global, une filiale de l’espagnole Ferrovial S. A. — sont au cœur d’une bataille judiciaire pour savoir qui mettra la main sur la participation de SNC-Lavalin, qui pourrait valoir jusqu’à 3,25 milliards.

« Pour moi, le problème n’est pas s’ils auront l’argent, mais quand ils vont l’obtenir », a dit M. Fitzgibbon.

Si SNC-Lavalin est plus à risque de faire l’objet d’une offre hostile en raison de la chute de sa valeur boursière, le professeur Karl Moore, du département de gestion de l’Université McGill, s’est demandé qui voudrait mettre la main sur une compagnie dont la réputation a été entachée et qui a de la difficulté à tourner la page sur son passé trouble.

Il croit toutefois que d’autres compagnies pourraient avoir l’œil sur la firme québécoise lorsqu’elle aura fait le ménage dans ses activités.

« Quand la société sera mieux organisée, qu’elle aura mis derrière elle toutes les mauvaises nouvelles […], elle pourrait devenir plus intéressante dans un an ou deux », a expliqué le professeur Moore, au cours d’un entretien téléphonique.

Dans la foulée des turbulences qui plombent la performance de SNC-Lavalin, la CDPQ est sortie de sa réserve habituelle, lundi, qualifiant la tendance d’« inacceptable » et en exigeant des « actions décisives ».