Les astres s’alignent pour Aerocycle, la seule entreprise spécialisée dans le recyclage d’avions au Canada. Le mois dernier, l’entreprise fondée en 2013 a reçu ses accréditations de l’Aviation Supplier Association (ASA) et de l’Aircraft Fleet Recycling Association (AFRA), une étape charnière qui lui ouvre les portes du monde.

Le président d’Aerocycle, Ron Haber, cache mal son excitation. « Regarde tous ces avions-là, dit-il en montrant du doigt son écran d’iPhone, où l’application FlightTracker affiche des centaines d’icônes jaunes qui représentent les vols en temps réel un peu partout sur la planète. Ça, c’est notre carnet de commandes », dit-il, sourire en coin.

Sur le tarmac chaud de l’Aérocité de Mirabel gît une carcasse d’avion. Un Airbus 310 modèle 300, avec plus de 100 500 heures de vol dans le corps. Il a pris son envol vers la fin des années 80 et se retrouve aujourd’hui en fin de vie.

L’avion désuet pourrait accueillir de nombreux voisins au cours des prochaines années. Sur la même piste, « on peut stationner 20, 30, 40 appareils. Y’a de la place ! », dit M. Haber.

C’est ici que débute le recyclage des appareils. Morceau par morceau, on retire les pièces que l’entreprise veut réutiliser, et, selon le contrat, Aerocycle peut entreposer et revendre le reste. Filage, ailerons, néons, bancs, freins, trains d’atterrissage. « Tout peut être recyclé », selon le président.

Une fois l’aéronef dépouillé, la cellule est décontaminée et découpée à l’aide de machinerie lourde. Les restants sont envoyés dans une raffinerie, qui en fait de nouveaux lingots d’aluminium.

On peut aller chercher entre 80 000 et 90 000 livres d’aluminium par appareil.

Ron Haber

Depuis 2013, Aerocycle a recyclé cinq avions. Le plus récent était un Boeing 727 privé, complet avec boiseries haut de gamme et artefacts en or pour ornementer l’intérieur. Vous l’aurez deviné : l’avion a déjà appartenu à nul autre que l’actuel président des États-Unis, Donald Trump.

PHOTO FOURNIE PAR AEROCYCLE

Depuis 2013, Aerocycle a recyclé cinq avions. Le plus récent était un Boeing 727 privé, complet avec boiseries haut de gamme et artefacts en or pour ornementer l’intérieur. Vous l’aurez deviné : l’avion a déjà appartenu à nul autre que l’actuel président américain, Donald Trump.

Le cimetière ou le recyclage ?

Plutôt que d’envoyer leurs avions dans un cimetière à ciel ouvert de l’Arizona, les compagnies aériennes ont de plus en plus le choix de recycler des pièces qui ont encore de la valeur. Cela leur permet d’étendre la durée de vie de leurs plus vieux appareils et de reverdir leur image au passage.

Le marché est énorme. Selon Ron Haber, entre 1000 et 1200 appareils entrent en fin de vie chaque année, et seulement une trentaine d’entreprises spécialisées dans le monde ont l’expertise nécessaire pour les recycler. Mais pour faire son entrée dans ce club sélect, une étape est cruciale : il faut être homologué par l’ASA et l’AFRA, les deux entités assurant une standardisation des processus et un contrôle rigoureux de la qualité dans le recyclage d’avion.

Attention : n’est pas homologué qui veut. Le processus est long, cher et fastidieux. Des agents de formation ont dû accompagner Aerocycle dans son processus de demande, à forts frais, pendant plusieurs mois. 

Le mois passé, un auditeur de la Federal Aviation Administration (FAA) est venu évaluer les pratiques d’Aerocycle. Quelques ajustements ont été de mise, et l’entreprise québécoise a répondu aux exigences dès le lendemain. Résultat : elle a reçu les accréditations peu de temps après.

« Ça nous a pris six mois, dont quatre à temps plein. C’était notre grand défi au cours de l’année dernière », dit le président. Les cartes professionnelles, le site web et un kiosque à l’effigie d’Aerocycle arborent déjà les logos de l’ASA et de l’AFRA.

La faiblesse du huard comme arme

Il ne fait pas de doute que pour Ron Haber, cette étape fait entrer Aerocycle dans une nouvelle phase d’expansion « très prometteuse ». Outre le soutien de l’Aérocité de Mirabel, l’entreprise compte par-dessus tout sur la faiblesse du dollar canadien contre les devises américaine et européenne.

« Avec le taux de change, on a un avantage concurrentiel incroyable », dit-il. Selon lui, les entreprises américaines pourraient payer autour de 30 % moins cher et les européennes, près de 40 %.

Aujourd’hui se termine la conférence annuelle de l’ASA et de l’AFRA qui, pour la première fois de son histoire, se déroulait à Montréal. Des négociations sont déjà entamées avec plusieurs grandes entreprises qui ne connaissaient pas Aerocycle il y a encore quelques jours.

L’entreprise s’attend à multiplier son effectif de 14 employés… pourvu que les commandes se fassent. « Le potentiel d’embauche est énorme, dit M. Haber. On pourrait créer 50, 75, 100 emplois d’ici très peu de temps. On n’aura pas le choix. »