Les répercussions de la fuite de renseignements personnels de 2,9 millions de membres de Desjardins se font sentir jusque dans les banques : celles-ci observent une hausse significative des clients de Desjardins qui viennent s’enquérir de leurs services, selon des sources du secteur financier.

« Il y a des gens qui attendent sur les lignes téléphoniques, et des gens font la file en succursale », souligne une personne au fait de la situation. Les sources de La Presse ont demandé à ne pas être nommées pour ne pas nuire à leur employeur.

« Ça a créé de la nervosité. It’s a big deal », dit une autre source.

« Partout au Québec, il y a des gens qui se présentent en succursale pour poser des questions et demander des informations sur la sécurité des données », affirme un dirigeant de banque.

Ces démarches ne se traduiront pas nécessairement par des déménagements complets des actifs, mais des banquiers constatent que des gens veulent dorénavant avoir des comptes dans deux institutions pour s’assurer, dans le cas où ils ne pourraient accéder à leur compte chez Desjardins, qu’ils puissent avoir un compte ouvert dans une banque. « Il y aura possiblement des stratégies de back-up, surtout du côté des clients commerciaux », croit une source.

Seulement un petit pourcentage, croit un expert

« Ce n’est pas surprenant parce que le système bancaire est basé sur la confiance, et un événement comme celui qui touche Desjardins ébranle la confiance », commente Jean Roy, professeur titulaire au département de finance de HEC Montréal.

« Certaines personnes sont fidèles à une institution. D’autres le sont moins. Mais je m’attends seulement à ce qu’un petit pourcentage de membres de Desjardins réorganisent leurs affaires », dit-il.

Les banques ont eu la bonne fortune de ne pas subir un tel événement. Elles en bénéficient. Est-ce de la chance ou parce qu’elles ont des mesures de sécurité plus fortes ?

Jean Roy

La « diversification » est une solution intéressante, selon Jean Roy. « Ce qui est en cause ici, c’est le concept de relationship banking, où une personne bâtit une relation avec son banquier en ayant tous ses actifs à un seul endroit et où le banquier traite son client de façon privilégiée et le soutient dans les moments plus difficiles. »

Être connu à deux endroits permet davantage de possibilités, mais en revanche, le client devient exposé à une fraude potentielle à deux endroits aussi, note M. Roy.

Chez Desjardins, le porte-parole Jean-Benoît Turcotti souligne que des membres ont effectivement exprimé leur intention de quitter la coopérative, sans toutefois pouvoir préciser leur nombre. 

Rien n’indique qu’il est question de départs massifs.

Jean-Benoît Turcotti

De leur côté, les porte-parole des banques joints par La Presse ont affirmé n’avoir aucune indication sur les intentions des clients de Desjardins ou ont refusé de commenter cet aspect. Parmi les huit plus grandes institutions bancaires du pays, seule la CIBC n’a pas répondu à nos demandes.

Les concurrents bancaires de Desjardins s’estiment tous à risque, certains notant qu’il s’agit d’une situation « malheureuse » qui aurait pu arriver à d’autres et qui a un impact sur toutes les institutions financières.

Le vent de sympathie est palpable et peu étonnant étant donné que les dirigeants des grands prêteurs canadiens se rencontrent périodiquement depuis plusieurs années pour discuter de cybersécurité et de fraude.

Dans le contexte actuel, aucune banque ne veut se targuer de profiter de la situation pour gagner des parts de marché. Ce n’est pas du tout la même chose que de « voler » des clients à un concurrent après avoir lancé un produit ou un service novateur.

Contrôles resserrés

À la Banque Nationale, la plus importante institution bancaire de la province, la direction dit profiter « des leçons apprises » chaque fois qu’il y a un événement de violation de confidentialité dans l’actualité.

« On regarde ce qui a été bien fait et moins bien fait dans la gestion de crise. Dans le cas de Desjardins, puisque l’événement est encore plus important pour nous étant donné la proximité, on fait une vigie encore plus intense », dit le vice-président aux affaires publiques, Claude Breton.

La crise qui secoue Desjardins a d’ailleurs déjà amené la Banque Nationale à ajuster son tir. « Il y a eu des modifications à nos contrôles depuis le début de l’événement chez Desjardins », confirme Claude Breton, sans toutefois vouloir préciser à quel niveau.

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