Condamnée par un tribunal administratif au Brésil aux côtés de 10 autres sociétés, Bombardier compte en appeler de la décision, alors que l’entreprise est également visée par d’autres enquêtes ailleurs dans le monde.

Même s’il vient d’être sanctionné à l’étranger, le constructeur québécois de matériel roulant ne devrait pas perdre le droit de soumissionner sur des contrats publics au Québec et dans le reste du Canada puisqu’il ne s’agit pas d’une condamnation criminelle.

Estimant qu’un « cartel » a manipulé au moins 26 appels d’offres entre 1999 et 2013 dans quatre États brésiliens, le Conseil administratif de défense économique (CADE) a imposé des amendes d’environ 175 millions.

C’est la française Alstom qui écope de la plus importante sanction, soit 43,8 millions, en plus de perdre le droit de soumissionner sur des contrats ferroviaires au Brésil pendant une période de cinq ans.

En ce qui a trait à Bombardier Transport Brésil, l’amende est de 7,9 millions. L’entreprise pourrait également être privée, pendant cinq ans, de subventions publiques, ce qui ne l’empêche toutefois pas d’obtenir des contrats publics.

Dans une déclaration transmise mardi par courriel, le constructeur québécois de matériel roulant a confirmé son intention d’en appeler de la décision du CADE auprès des autorités.

« Bombardier est en profond désaccord avec ce jugement, lequel est basé sur la lecture partiale de la preuve du CADE dans une procédure administrative caractérisée par des violations flagrantes de principes constitutionnels, y compris l’application raisonnable de la loi », peut-on lire.

En ce qui a trait à la société, les faits reprochés concernent une ligne du métro de Sao Paulo et de maintenance de voitures de train.

D’après le professeur en droit des affaires Benjamin Lehaire, de l’Université TELUQ, il serait surprenant qu’une décision administrative comme celle rendue au Brésil se traduise par des répercussions pour Bombardier au Canada.

« Cela n’aura pas d’effets au Canada et au Québec, a-t-il estimé mardi, en évoquant la nature administrative et non criminelle de la décision. C’est sûr que cela peut alerter les autorités, qui pourraient, après avoir pris connaissance de ces pratiques, enquêter sur les pratiques au Canada de ces entreprises. »

En vertu du Régime d’intégrité du gouvernement du Canada, un fournisseur peut automatiquement perdre le droit de soumissionner sur des contrats publics, comme dans le cas d’une condamnation criminelle.

Certaines dispositions permettent toutefois au gouvernement fédéral de déterminer s’il y a lieu de mettre ou non une entreprise ou un individu à l’index si des infractions commises à l’étranger sont jugées suffisamment sérieuses.

« J’ai de la difficulté à imaginer que cela pourrait s’appliquer à Bombardier », a expliqué, au cours d’un entretien téléphonique, Mark Warner, un avocat spécialiste du commerce canado-américain de la firme Maaw Law, à Toronto, soulignant qu’Alstom et Siemens étaient également citées au Brésil.

Siemens était également visée par les démarches du CADE, mais la société allemande n’a pas été accusée, puisqu’elle a signé une entente confidentielle avec les autorités brésiliennes.

L’Autorité des marchés publics a indiqué mardi après-midi ne pas avoir reçu une demande pour se pencher sur la décision brésilienne concernant Bombardier. Services publics et Approvisionnement Canada n’avait pas encore précisé avec exactitude, à la demande de La Presse canadienne, les retombées potentielles de cette affaire au Canada.

Parallèlement au Brésil, Bombardier demeure sous la loupe de la Banque mondiale dans le cadre d’une enquête sur un contrat d’environ 340 millions attribué à un consortium dirigé par Bombardier en 2013, pour la fourniture d’équipements de signalisation pour une section de 500 kilomètres d’un corridor ferroviaire reliant l’Asie et l’Europe via l’Azerbaïdjan.

Les lettres de demande de justification de la vice-présidence à l’intégrité de la Banque mondiale demandent généralement à une société ou à un particulier d’expliquer pourquoi des mesures disciplinaires ne devraient pas être imposées dans la foulée d’actes répréhensibles présumés

En Espagne, les autorités de la concurrence ont également visité les bureaux de la société.