(New York) Boeing s’enfonce dans la crise sans précédent du 737 MAX, son avion phare dont le retour dans le ciel est à nouveau retardé par la découverte d’un nouveau problème de sécurité aux conséquences financières et sociales potentiellement lourdes.

L’action du constructeur aéronautique a clôturé en baisse de 2,91 % à Wall Street, signe des doutes des milieux d’affaires sur la levée de l’interdiction de vol frappant le MAX depuis mi-mars après deux accidents rapprochés ayant fait 346 morts.

L’agence fédérale de l’aviation (FAA), le principal régulateur de l’aérien aux États-Unis, a indiqué mercredi soir avoir décelé un nouveau problème lié à un microprocesseur du 737 MAX posant un « risque potentiel ».

« C’est un coup dur supplémentaire pour l’avion et pour Boeing », estime Scott Hamilton, expert chez Leeham.

La faille aurait été détectée par des pilotes de la FAA lors des tests sur simulateurs la semaine dernière, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier sous couvert d’anonymat.

Les pilotes ont eu du mal à reprendre rapidement le contrôle de l’avion après l’activation du système anti-décrochage MCAS, mis en cause dans l’accident de Lion Air du 29 octobre 2018 (189 morts) et d’Ethiopian Airlines du 10 mars dernier (157 morts).

Incertitudes

Selon deux sources industrielles, c’est un défaut du microprocesseur, qui a tendance à orienter le nez de l’avion vers le sol. Il n’est pas dit que le microprocesseur ait joué un rôle dans les accidents sus-cités.

Boeing, qui travaille d’arrache-pied depuis plusieurs semaines sur une mise à jour du MCAS, s’étant refusé à indiquer la nature du problème, il est difficile de dire s’il faut juste une mise à jour du système ou un remplacement des pièces défaillantes.

La seconde option retarderait le retour dans le ciel du 737 MAX, car elle « touche au cœur de l’architecture et de la conception de l’avion », estime une des sources.

Conséquence : le vol test, nécessaire à une nouvelle certification du MAX, n’aura pas lieu avant le 8 juillet au moins, a dit une source gouvernementale.

Selon l’agence Bloomberg, Boeing pourrait avoir besoin d’un délai allant de quelques semaines à trois mois au maximum pour régler la situation.

La compagnie aérienne américaine Southwest Airlines, plus grosse cliente de l’avion avec 34 exemplaires dans sa flotte, a annulé jeudi tous les vols prévus sur le MAX jusqu’au 1er octobre.

L’Association internationale du transport aérien (IATA) a en outre enfoncé le clou en appelant jeudi les autorités de l’aviation civile à « harmoniser les exigences additionnelles en matière de formation des équipages du Boeing 737 MAX ».

Or, Américains, Canadiens et Européens divergent sur la formation appropriée, les seconds voulant une formation sur simulateur qui prendra plus temps, faute d’un nombre suffisant de machines dédiées.

Crédibilité

« La crédibilité de la FAA est en jeu », estime Michel Merluzeau, expert chez Air Insight Research. Il faut que la FAA trouve « un consensus avec les autres régulateurs, chinois, canadiens et européens pour lever l’interdiction de vol ».

Toutes ces incertitudes risquent, poursuit cet expert, de forcer Boeing à réduire une nouvelle fois la production du MAX, passée déjà de 52 à 42 exemplaires par mois.

Boeing pourrait annoncer de premières mesures de chômage technique dans l’usine de production du MAX à Renton, près de Seattle, tandis que ses résultats financiers pourraient souffrir en raison de l’allongement de la suspension des livraisons.

La facture, estimée à 1 milliard de dollars mi-avril, devrait elle augmenter, de même que les indemnités versées aux compagnies aériennes.

Boeing est également rattrapé par des manquements liés à la sécurité, montrés du doigt par la FAA, dont les inspecteurs avaient découvert par exemple qu’un sous-traitant fournissait de mauvaises vis à l’avionneur.

Selon un accord de cinq ans conclu fin 2015 avec le régulateur et dont l’AFP a obtenu copie, le constructeur aéronautique a accepté de s’acquitter d’une amende de 12 millions de dollars pour manque de transparence et des problèmes de sécurité. Il encourt des pénalités supplémentaires pouvant aller jusqu’à 24 millions de dollars s’il ne changeait pas ses procédures de sécurité interne et ses pratiques.

L’avionneur a-t-il respecté ces engagements au vu des accidents du 737 MAX ?

« L’accord est toujours en vigueur et nous ne pouvons discuter de notre évaluation et des mesures potentielles que nous sommes susceptibles de prendre », a déclaré à l’AFP un porte-parole de la FAA.

« Boeing est pleinement résolu à répondre aux exigences de l’accord », a répondu un porte-parole de l’avionneur, ajoutant que l’entreprise avait investi « suffisamment » de ressources.