La grand-messe annuelle de l’industrie des centres commerciaux s’est récemment terminé au Palais des congrès. La Presse a profité de l’événement pour discuter des enjeux de l’heure avec deux dirigeants.

Claude Sirois, Président, Centres commerciaux, Ivanhoé Cambridge (Centre Eaton, Galeries d’Anjou, Place Ste-Foy)

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Claude Sirois, Président, Centres commerciaux, Ivanhoé Cambridge (Centre Eaton, Galeries d’Anjou, Place Ste-Foy)

État de santé des centres

« Dans les centres commerciaux dominants, d’envergure, les A, les temps de magasinage se maintiennent et augmentent. Les ventes de nos détaillants sont en hausse dans les 12 derniers mois de 2,7 %. Notre achalandage est de 247 millions de visites par année. On est stables ou en légère baisse de 0,1 %. Ça s’explique par le fait que le Centre Eaton est un chantier de construction. C’est 29 millions de visites normalement, et on est en baisse de 3 millions. Contrairement à la croyance populaire, il y a toujours de l’achalandage. Les ventes sont toujours au rendez-vous. Mais alors qu’en 2015 les gens visitaient cinq magasins, aujourd’hui, ils en visitent en moyenne trois. »

Toujours plus de restaurants

« Quand on regarde la proportion de pieds carrés consacrée à l’alimentation dans nos environnements commerciaux, on est actuellement à 10, 11, 12 % en moyenne. On parle de foires alimentaires, de restaurants traditionnels avec service aux tables, de kiosques. C’est la tendance lourde qu’on voit partout. Certains consommateurs veulent toujours avoir leur Subway, leur Tim Hortons, mais une autre portion est prête à vivre une expérience différente, avec une saveur locale, quitte à payer une prime. En Asie, c’est 20 ou 25 % de la surface qui est consacrée à l’alimentation, en Europe, c’est entre 15 et 20 %. [Au Canada, la proportion n’a pas bougé ces dernières années], mais là, les projets arrivent ! »

Détaxe pour les touristes

« On est le seul pays de l’OCDE qui n’a pas de mesure de détaxe pour les touristes qui viennent ici, au Canada. Je pense que c’est un sujet qui se doit d’être abordé pour s’arrimer avec les autres pays comparables afin d’offrir des expériences de consommation similaires. Évidemment, le tourisme est un élément de croissance important pour le commerce de détail. Pour que nos détaillants servent bien les touristes, ça se doit d’être un sujet d’actualité. Différentes représentations sont faites au pays à différents niveaux, par des centres commerciaux et des détaillants. Ça fait longtemps [que c’est sur la table], mais ça ne tombe jamais à l’agenda du gouvernement. Toutes les analyses ont été faites, des rapports ont été écrits au sujet des impacts. »

Léopold Turgeon, PDG du Conseil québécois du commerce de détail

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Léopold Turgeon, PDG du Conseil québécois du commerce de détail

Interdiction du plastique à usage unique

« Le secteur est d’accord avec ça, mais il faut lui donner le temps de se virer de bord. Ça part dans tous les azimuts ! Peut-on avoir juste une ligne ? Ce qu’on veut éviter, surtout, c’est ce qui s’est produit avec les sacs de plastique. Brossard, pas de sacs, une autre ville, c’est 50 microns [d’épaisseur], l’autre, 100 microns. Quand tu as une entreprise avec 30 points de vente [c’est compliqué]. On veut éviter de s’éparpiller. Tout le monde est d’accord, mais on l’a vu dans les études : le client n’est pas prêt à payer plus cher […] Toute la responsabilité incombe aux détaillants et nous, on dit : “Attendez, on est nombreux là-dedans !” Il faut que tout le monde trouve des solutions ensemble. »

Taxes perçues par les étrangers

« On va souligner au gouvernement fédéral [durant la prochaine campagne électorale] qu’on n’a pas les mêmes règles du jeu avec les produits. Québec a décidé de taxer tout ce qui est intangible, dont l’hébergement. Maintenant, il reste le tangible [à légiférer]. Le gouvernement a fait la démonstration qu’on peut facturer la taxe. Jusqu’ici, 111 entreprises se sont inscrites volontairement dans l’intangible pour exiger la taxe. [Un achat] de produit, c’est une transaction web. Il n’y a aucune différence. Qu’ils arrêtent de dire qu’il faut s’entendre avec Postes Canada et les douanes. Ce qu’on va dire à Justin Trudeau, c’est que ce n’est pas une nouvelle taxe, c’est juste les mêmes règles pour tout le monde. Ça me dépasse qu’ils ne comprennent pas. »

François Legault et l’immigration

Québec traitera en priorité les dossiers d’immigrants voulant occuper des emplois « payants ». François Legault a convenu, en entrevue à Paul Arcand, que ceux qui paient « 15 ou 20 $, comme dans certains restaurants, comme dans certains secteurs du tourisme, comme dans certains magasins de détail, vont avoir de plus en plus de difficulté à trouver de la main-d’œuvre ». « Ça fait mal. […] Ce qu’on dit, c’est que l’hébergement, la restauration et la vente au détail sont des secteurs moins intéressants pour l’emploi. J’aimerais faire remarquer à Québec qu’il y a une surreprésentation du commerce de détail dans les emplois à 50 000 $ (16 % des postes, alors que le secteur emploie 12 % des Québécois). […] C’est malheureux qu’on soit stigmatisés. »