Le Groupe Cirque du Soleil envisage de faire une émission publique d’actions et de s’inscrire en Bourse, a appris La Presse.

Un tel appel public à l’épargne permettrait vraisemblablement à l’entreprise de recueillir des centaines de millions pour assurer sa croissance et renflouer ses coffres. Il s’agirait alors de l’une des plus importantes entrées en Bourse pour une entreprise du Québec.

Selon nos informations, obtenues de sources du milieu des affaires, l’entreprise prépare la documentation pour une émission qui serait faite sur les marchés boursiers canadiens et américains. La direction veut s’assurer entre autres qu’advenant une décision favorable en ce sens, ses états financiers des dernières années soient conformes aux normes prescrites pour les entreprises en Bourse, et notamment à la loi américaine Sarbanes-Oxley.

Aux États-Unis, cette loi adoptée en 2002 exige que les firmes de vérification comptable des entreprises en Bourse ajoutent les contrôles internes à leur audit, ce qui n’est pas le cas au Canada.

Le Cirque réfléchit à la possibilité d’ouvrir aux investisseurs jusqu’à 40 % de son capital, selon nos renseignements. Toutefois, aucun prospectus soumis à l’Autorité des marchés financiers (AMF) n’est encore en préparation et cette inscription possible en Bourse n’est pas envisagée avant le premier trimestre et plus probablement le deuxième trimestre de 2020, selon l’appétit des marchés financiers.

De plus, aucune firme de courtage bancaire n’a encore été officiellement mandatée pour assurer le « lead » du syndicat de courtiers canadien et américain de cet appel public à l’épargne, selon nos renseignements.

Le Cirque du Soleil n’a pas répondu aux nombreux messages pour commenter les informations de La Presse, recueillies auprès de sources non identifiées parce qu’elles ne sont pas autorisées à parler publiquement.

Les raisons

En avril 2015, rappelons-le, le Cirque a été vendu contre une somme non divulguée, mais avoisinant 1,75 milliard US, à un groupe d’acheteurs dirigés par la firme TPG Capital (près de 60 %), de San Francisco. Les autres actionnaires sont la chinoise Fosun Capital Group, la Caisse de dépôt et placement et Guy Laliberté. Aux dernières nouvelles, ces derniers détenaient respectivement 20 %, 10 % et 10 % du capital.

Deux raisons expliqueraient les motivations du Cirque. D’abord, l’entreprise a besoin de capital pour assurer sa croissance, elle qui a fait trois acquisitions depuis 2017. Lors de l’annonce de sa plus récente prise (The Works Entertainment), en février, le PDG Daniel Lamarre avait d’ailleurs déclaré souhaiter faire une acquisition par année, selon les occasions qui se présentent.

Ces acquisitions, faites essentiellement par endettement, ont eu pour effet d’exercer une pression sur la cote de crédit de l’entreprise telle que mesurée par les firmes Moody’s et Standard & Poors.

Pour poursuivre son élan, le Cirque aurait donc besoin de se financer par injection de capitaux plutôt que par endettement.

Deuxième élément : des firmes privées de capital comme TPG ont généralement des horizons de placement de cinq à sept ans. Or, en 2020, ce sera la cinquième année que TPG a acquis ses actions du Cirque. Pour « sortir » d’un placement, de telles firmes ont le choix de vendre à un groupe du même secteur, de céder leur participation à une autre firme de capital ou encore de monétiser leur placement par le truchement d’un appel public à l’épargne.

Le choix de s’inscrire en Bourse dépend de divers facteurs, dont l’humeur du marché boursier. Les résultats récents du Cirque, et notamment l’importance de ses bénéfices d’exploitation et leur croissance, sont aussi déterminants, car ils servent à justifier, ultimement, la valeur de la collecte de fonds.

Selon nos renseignements, 40 % du capital pourrait être mis sur le marché, bien que ce seuil soit considéré comme un plafond. En se basant sur la transaction de 2015, une telle portion de capital vaudrait près de 1 milliard de dollars canadiens, mais il semble clair que la firme ne cherchera pas à recueillir une telle somme, selon nos sources.

Deux marchés boursiers

Quoi qu’il advienne, la taille de la collecte de fonds obligerait le Cirque à faire son émission au Canada et aux États-Unis, et donc à s’inscrire sur deux marchés boursiers, par exemple Toronto et New York. Le marché canadien est probablement trop petit pour absorber un appel de fonds qui serait d’une telle ampleur.

Ce premier appel public à l’épargne (PAPE) deviendrait probablement l’un des plus importants au Québec. En mars, la firme Lightspeed a pu récolter 240 millions avec son PAPE, tandis que BRP avait amassé 262 millions en 2013. Le plus gros PAPE a été fait en 2003 pour le compte de l’entreprise Pages Jaunes (1 milliard de dollars).

Fondé en 1984, le Cirque du Soleil compte plus de 4000 employés provenant d’une cinquantaine de pays. Ses récentes acquisitions, qui diversifient ses activités, sont The Works Entertainment (2019), VStar Entertainment Group (2018) et Blue Man Group (2017).

Les plus importants premiers appels publics à l’épargne

Au Québec

1) Pages Jaunes, 1 milliard, 2003 2) Fibrek, 415 millions, 2002 3) Bell Canada International, 405 millions, 1997 4) L’Industrielle-Alliance, 340 millions, 2000 5) Bell Nordiq, 324 millions, 2002

Au Canada

1) Manuvie, 2,5 milliards, 1999 2) Hydro One, 1,8 milliard, 2015 3) Kinder Morgan, 1,7 milliard, 2017 4) PrairieSky, 1,5 milliard, 2014 5) Athabasca Oil, 1,4 milliard, 2010

Source : Bourse de Toronto

* Le produit brut est le montant récolté par l’opération.