Pendant 25 ans, Bob Langert a été responsable des questions environnementales et sociales chez McDonald’s. Il publie ce printemps The Battle to Do Good, où il décrit ses faits d’armes, de la taille des cages de poulets aux émissions de gaz à effet de serre des bœufs. La Presse s’est entretenue avec lui.

L’un des leitmotivs de votre livre est la difficulté de faire le meilleur choix si on tient compte de tous les impacts négatifs d’une pratique problématique.

Le remplacement des boîtes en styromousse par du carton il y a près de 30 ans est un bon exemple. C’est sûr que le styromousse se dégrade beaucoup plus lentement que le carton et qu’il a des composés toxiques, du styrène, du benzène. Mais dans un dépotoir qui n’est pas bien aéré, le carton survit intact pendant des décennies, on trouve des emballages de hot-dog des années 50 à peine dégradés. Et le carton est 10 fois plus lourd que le polystyrène, sa production et son transport nécessitent plus de ressources. Un autre bon point de départ pour une réflexion philosophique sur la question est le bien-être animal et l’environnement. Si vous êtes 100 % pour l’environnement, vous appuyez probablement l’agriculture intensive, mais si vous êtes 100 % pour les animaux, vous trouvez que l’agriculture intensive n’est pas naturelle. Pour prendre une décision, il faut évaluer l’importance relative de différents facteurs.

Vous décrivez comment McDonald’s a tenté sans succès de convaincre ses clients de séparer leurs déchets à des fins de recyclage.

J’ai pu voir au fil des ans que la question du temps est cruciale pour le succès des programmes de recyclage et de compostage. Cela dit, dans certains pays comme l’Allemagne, les gens recyclent de manière très consciencieuse, il y a peut-être une pression ou une norme morale qui s’est installée. Mais comment arriver à cette norme sociale ? Et même cette moralité a des limites : les mêmes Allemands qui utilisent huit différents réceptacles pour le recyclage dans la rue n’ont jamais accepté de recycler à nos restaurants. Pour arriver à respecter les normes allemandes, nous avons dû installer dans les McDonald’s des comptoirs où les gens laissent leur plateau. Nos employés font le recyclage pour eux.

Vous décrivez des interactions parfois difficiles avec certains groupes environnementaux, mais vous défendez aussi l’utilité de leur rhétorique offensive.

J’ai aimé travailler avec des groupes qui visaient à trouver une solution basée sur la science et le réalisme économique. Je donne dans le livre une note de 1 à 10 aux groupes écolos. Neuf ou dix, ce sont les radicaux pessimistes, qui n’ont pas une voix dominante, mais peuvent être très désagréables. Un ou deux, ce sont les groupes très proches des firmes privées qui polluent, ils n’ont aucun point de vue critique, nous n’avons pas besoin d’eux. L’idéal, ce sont les groupes avec une note de 5-6-7, des gens exceptionnels sur le plan scientifique, mais qui sont toujours prêts à proposer de nouvelles avenues et à écouter nos réponses. C’est arrivé en Amazonie en 2007 avec Greenpeace, qui voulait que nous adhérions au moratoire sur l’expansion des champs de soya vers la forêt. Avant de les rencontrer et d’aller avec ces gens en Amazonie, je n’aurais jamais pensé qu’on arriverait à faire bouger de grandes multinationales.

Peut-on vraiment attaquer le problème des émissions de gaz à effet de serre liées aux bœufs quand on vend des hamburgers ?

Certainement, McDonald’s s’est engagé à réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre pour 80 % de ses fournisseurs de bœuf. Avec de la recherche et développement, on va trouver des moyens de modifier la moulée et les techniques de pâturage.

Pensez-vous voir de votre vivant de la viande de laboratoire au McDonald’s, une option souvent avancée pour régler le problème des émissions de gaz à effet de serre du bœuf ?

Je ne pense pas. Le mouvement général va vers l’authenticité et la fraîcheur, alors ce n’est vraiment pas de la viande de laboratoire. Je crois par contre que les hamburgers végétariens vont devenir plus populaires et plus variés.

Vous avez réussi avec difficulté à augmenter les salaires des travailleurs agricoles. Avez-vous peur que cela mène à une délocalisation de la production vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère ?

C’était l’argument des propriétaires de champs de tomates du sud de la Floride. Ils étaient vraiment acharnés. Quand nous avons augmenté le prix des tomates que nous achetions pour leur permettre de payer leurs employés davantage, ils ont attendu des années pour augmenter les salaires.

Les pays riches devraient-ils instaurer des droits douaniers pour compenser le « dumping social » des pays pauvres où les travailleurs ont de moins bonnes conditions ?

Je ne veux pas faire de commentaires sur le débat actuel sur les tarifs douaniers. Mais il est envisageable, selon moi, qu’un pays décide d’avoir certains standards. L’Europe est très active déjà sur ce point. Les gouvernements devraient être plus actifs sur le sujet. Est-ce vraiment le rôle de McDonald’s de prendre position sur le salaire minimum et les forêts vierges en Amazonie et en Indonésie ?

On parle maintenant d’une « quatrième vague » du mouvement environnementaliste, après l’instauration des parcs nationaux au début du XXe siècle, la lutte contre les pesticides et la pollution à partir des années 60 et les mesures environnementales basées sur les marchés dans les années 90. Qu’en pensez-vous ?

Je suis convaincu que cette quatrième vague, basée sur l’innovation, la transparence et l’analyse des bases de données, permettra de détecter des problèmes dont nous ignorons l’existence et de les résoudre. Le principe de précaution, qui veut limiter les changements au cas où ils aient des conséquences négatives, sera moins populaire chez les environnementalistes s’il y a des manières de détecter rapidement les nouveaux problèmes.

Vaisselle réutilisable

En 1990, lors du début de la collaboration de Bob Langert avec le groupe Environmental Defence Fund (EDF), une demande audacieuse a été faite : les ustensiles en plastique et les verres et contenants jetables pourraient-ils être remplacés par de la vaisselle réutilisable ? Cette perspective a donné des sueurs froides à M. Langert, qui a été soulagé de constater, lors d’une visite avec EDF d’un restaurant d’une petite chaîne concurrente utilisant de la vaisselle réutilisable, combien la présence de vaisselle sale et de lave-vaisselle rendait les cuisines chaotiques et malpropres par rapport aux cuisines aseptisées et efficaces de McDonald’s.

Le bien-être animal

Voici certains des éléments servant à évaluer le bien-être des bœufs dans les abattoirs, selon The Battle to Do Good :  Utilisation d’un pistolet d’abattage sans que le bœuf soit assommé complètement Chute d’un bœuf Meuglements Utilisation d’un aiguillon électrique pour faire avancer un bœuf

La décennie noire

2001 : Parution du livre Fast Food Nation. 2002 : Poursuites — rejetées l’année suivante — de deux adolescents obèses contre McDonald’s. 2004 : Le documentaire Super Size Me décrit les effets négatifs d’une diète McDonald’s d’un mois chez le réalisateur. 2005 : L’Académie nationale des sciences dénonce la publicité de la malbouffe destinée aux enfants. 2008 : New York oblige les restaurants à afficher les calories de leurs mets.

McDonald’s en chiffres

80 % des déchets d’un McDonald’s sont générés dans les cuisines 90 % des déchets d’un McDonald’s sont organiques 1,5 million de tonnes : économies annuelles de papier générées par la réduction de 2,54 cm (1 po) de la largeur des serviettes de papier de McDonald’s 2 % des achats mondiaux de bœuf sont faits par McDonald’s

Source : The Battle to Do Good