Vingt ans après une tentative infructueuse de mettre la main à la fois sur Air Canada et sur Canadian, le conglomérat financier torontois Onex semble en voie de réussir, moyennant 5 milliards de dollars, à acquérir WestJet. Et si Transat était la prochaine ?

WestJet se donne les moyens d'acheter Transat, selon des experts

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À moins d’une grande surprise, WestJet sera bientôt propriété du conglomérat torontois Onex, ce qui pourrait renforcer sa candidature pour l’acquisition de Transat. Voire carrément expliquer la mise en vente de cette dernière, selon un expert.

Onex, qui n’en est pas à ses premières armes dans l’industrie aéronautique (voir autre onglet), a surpris les marchés, hier matin, en annonçant avoir conclu avec WestJet une entente en vue d’en faire l’acquisition.

Si celle-ci se concrétise, les actionnaires de WestJet recevront 31 $ pour chacune de leurs actions de l’entreprise, soit une prime de 67 % par rapport au prix de clôture de 18,52 $, vendredi, à la Bourse de Toronto.

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Onex devrait ainsi verser environ 3,5 milliards de dollars aux actionnaires, au comptant. En ajoutant la valeur des dettes de WestJet, la transaction est évaluée à environ 5 milliards de dollars.

« Je pense que la sortie surprise de Jean-Marc Eustache [président et chef de la direction de Transat] pour annoncer qu’ils avaient des discussions a rapport à ça », juge Mehran Ebrahimi, professeur spécialiste de l’aéronautique à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

« Probablement qu’il a eu vent de discussions entre WestJet et Onex et il s’est dit qu’il risquait de se retrouver largement en position de faiblesse face à ce concurrent. Avec la sensibilité liée aux sièges sociaux, il a vu l’opportunité d’aller chercher des capitaux. »

WestJet en position de force

Aux yeux de certains analystes, la transaction renforce la candidature de WestJet dans la course à l’acquisition de Transat.

« Nous croyons qu’il serait plus facile pour WestJet d’acquérir Transat une fois qu’elle sera intégrée à Onex, puisque libérer tout le potentiel de Transat pourrait prendre quelques années (de 3 à 5), ce qui convient moins à une entité publique », a par exemple écrit hier Benoit Poirier, de Desjardins Valeurs mobilières.

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La question de l’état des finances de WestJet, soulevée par certains comme étant un frein à l’acquisition de Transat, serait maintenant résolue.

« Ce serait logique que ça arrive, mais je ne sais pas si les autorités réglementaires laisseraient cela passer », a estimé hier Ramy Elitzur, professeur à la Rotman School of Business de l’Université de Toronto, à propos d’un rapprochement entre Transat et WestJet. « Probablement, parce qu’ils ont laissé Air Canada et Canadian fusionner à l’époque. »

Ensemble, Transat et WestJet pourraient accaparer 44 % de la capacité offerte vers les destinations soleil, contre 27 % pour Sunwing et 24 % pour Air Canada, selon des données publiées en mars par Transat. Vers l’Europe, les deux disposeraient de 26 % de la capacité, contre 43 % pour Air Canada.

Dans un communiqué, le président de la section locale 470 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente environ 4000 membres d’équipage (pilotes exclus) de WestJet, s’est déclaré « modérément optimiste » par rapport à la transaction. Le syndicat se réjouit des intentions annoncées de l’acheteur de garder le siège social de l’entreprise à Calgary, de ne pas supprimer d’emplois et de poursuivre le plan de croissance, mais s’inquiète de la disparition probable du régime d’achat d’actions par les employés, en l’absence d’un régime de retraite.

Si un autre acheteur devait surenchérir pour acquérir WestJet, cette dernière devrait verser une pénalité de 100 millions de dollars à Onex. Dans le cas où c’est cette dernière qui se désisterait, la pénalité versée à WestJet s’élèverait à 200 millions de dollars. Les investisseurs n’ont d’ailleurs pas semblé croire à une surenchère, hier, l’action de WestJet se négociant sous le seuil des 31 $ annoncé.

Un géant canadien

PHOTO NATHAN DENETTE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Fondé il y a 35 ans, Onex, et son président Gerry Schwartz, gère aujourd’hui des actifs évalués à environ 31 milliards de dollars.

Peu connu au Québec, le conglomérat financier Onex est un géant du monde des affaires canadien qui n’en est pas à sa première tentative de percer le marché du transport aérien.

Deuxième tentative

Au Québec, le nom du conglomérat financier Onex a surtout fait la manchette en 1999, quand il a tenté de réaliser simultanément les acquisitions d’Air Canada et de son compétiteur de l’époque, Canadian. C’est un tribunal québécois qui avait mis fin à cette saga, en jugeant que la transaction était illégale puisque le financement américain d’Onex dans le cadre de cette transaction ne respectait pas la Loi sur la propriété étrangère des transporteurs aériens.

Depuis, Onex a touché au domaine de plusieurs autres façons. Il a notamment mis sur pied l’important fournisseur de pièces Spirit Aerosystems, en achetant des usines de Boeing, a été actif pendant six ans chez le fournisseur d’équipements électroniques pour l’aérospatiale CMC Electronics et détient actuellement BBAM, un important locateur d’aéronefs.

« Gerry Schwartz [président d’Onex] n’a jamais avalé cette transaction avortée, estime Mehran Ebrahimi, professeur spécialiste de l’aéronautique à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. J’ai l’impression qu’il est en train de mettre la table pour revenir en force cerner Air Canada. »

Un géant

Fondé il y a 35 ans, Onex gère aujourd’hui des actifs évalués à environ 31 milliards de dollars.

Onex en bref

Revenus (2018) : 23,8 milliards

Profit (perte) : 796 millions

Actif (31-12-2018) : 45,4 milliards

Employés des sociétés du groupe : 217 000

Parmi les entreprises les plus connues actives dans le portefeuille d’Onex ou qui y ont déjà passé, notons Alliance Atlantis, Celestica, Impark, Jeldwen, Cineplex, LSG Sky Chefs, Spirit Aerosystems et l’hôtel Tropicana Las Vegas.

Redresseur

D’un investissement à l’autre, la méthode d’Onex est généralement la même, note Ramy Elitzur, professeur à la Rotman School of Business de l’Université de Toronto.

« Ils arrivent et rendent l’entreprise plus efficace et plus profitable. Ils sont très bons pour prendre des entreprises qui ne font pas très bien et les redresser. »

— Ramy Elitzur

L’ennui, selon M. Elitzur, c’est que WestJet n’est pas une société en difficulté. D’où sa perplexité par rapport à cette transaction.

« WestJet est l’une des meilleures lignes aériennes en Amérique du Nord, juge-t-il, je ne sais pas comment ils vont l’améliorer. Et qui veut se lancer dans le transport aérien, c’est horrible ! »

Air Canada a très bien fait au cours des dernières années, admet-il, mais elle bénéficiait d’une position enviable.

Les employés de WestJet ne doivent pas nécessairement s’attendre à des réductions de personnel ou à des coupes draconiennes pour tenter de rentabiliser rapidement l’investissement, juge M. Elitzur.

« Mais ils vont changer des choses. Ils vont assurément se lancer dans un grand exercice d’analyse des coûts. Ils vont trouver des façons. »