Relier Winnipeg à Baie-Comeau en train réduirait de six jours le temps de transit des marchandises entre le centre du Canada et l’Europe. QcRail, un projet de 1,5 milliard, a surtout l’ambition d’aider le Québec à diversifier ses marchés d’exportation.

« Au sud, les voies ferrées sont encombrées », explique Guy Simard, directeur du développement industriel d’Innovation et Développement Manicouagan. « Notre projet offre une nouvelle route, plus rapide, aux exportateurs pour rejoindre de nouveaux marchés en Europe. »

Il s’agit de construire un tronçon de voie ferrée entre Baie-Comeau et Dolbeau-Mistassini, long de 370 km. À Dolbeau-Mistassini, ce nouveau tronçon relié aux voies existantes permettrait de rejoindre le centre du Canada sur une distance totale de 2570 km.

Des entreprises comme Cargill, Alcoa et Produits forestiers Résolu s’intéressent à QcRail pour des raisons évidentes. « C’est une option supplémentaire pour le transport de notre marchandise, résume Karl Blackburn, porte-parole de Résolu. Comme industriels, ça nous rendrait moins vulnérables aux transporteurs existants. »

Pénurie de wagons, congestion et retards, les griefs des utilisateurs des voies ferrées existantes sont nombreux, constate la firme Deloitte dans une étude préliminaire du projet.

Du grain chargé à Winnipeg pourrait arriver à Hambourg, en Allemagne, six jours plus tôt qu’en passant par les voies du Sud en desservant au passage les entreprises forestières et minières du Nord, comme le Cercle de feu de l’Ontario.

« Le trafic de marchandises est en augmentation. Avec le traité de libre-échange entre le Canada et l’Europe et la volonté des entreprises de diversifier leurs marchés, la croissance se poursuivra. » — Guy Simard, directeur du développement industriel d’Innovation et Développement Manicouagan

L’étude de Deloitte chiffre ce volume supplémentaire à 25 millions de tonnes par an. Les principales marchandises transportées seraient le grain, les produits forestiers et le minerai.

La rentabilité serait au rendez-vous, selon cette étude, même si la plupart des wagons reviennent vides de Baie-Comeau. « C’est comme ça dans un pays exportateur, explique le promoteur, les wagons reviennent souvent vides. Mais on pense que si on transporte 25 millions de tonnes par année de Dolbeau-Mistassini à Baie-Comeau, on pourrait ramener 10 millions en sens inverse. »

QcRail n’enlèvera rien aux chemins de fer et aux ports existants, selon lui. « On vise le volume supplémentaire, et seulement ce qui se transporte en vrac. »

Pas de pétrole

QcRail ne mise pas du tout sur le transport de pétrole. Celui-ci a été envisagé quand le blocage était total du côté des projets d’oléoduc. Ce n’est plus le cas, souligne Guy Simard.

« Il y a trois projets de pipeline qui vont probablement se réaliser, Keystone XL, Trans Mountain et la Ligne 3 d’Enbridge. Ce n’est pas la volonté de l’industrie pétrolière d’utiliser le rail, parce que c’est plus coûteux. On a un projet à long terme, on ne peut pas miser là-dessus. » — Guy Simard, directeur du développement industriel d’Innovation et Développement Manicouagan

QcRail a reçu 7,5 millions de dollars du gouvernement Legault pour préciser l’hypothèse de rentabilité posée par l’étude Deloitte. Le gouvernement fédéral devrait verser la même somme pour compléter le coût prévu de l’étude de faisabilité.

Guy Simard n’est pas trop inquiet pour la suite. « Le gouvernement fédéral veut investir 11 milliards dans les nouveaux corridors de commerce, notamment entre le Québec et l’Ontario. Ça rejoint aussi les objectifs du Plan Nord et de la Stratégie maritime sur les zones industrialo-portuaires. C’est rare qu’un seul projet réponde à autant de besoins. »

Un investissement de 2 milliards

QcRail nécessiterait un investissement de 2 milliards, soit 1,5 milliard pour la construction de la voie ferrée et le reste pour les installations de stockage des marchandises au port de Baie-Comeau. Les promoteurs du projet pensent que des transporteurs comme le CN et CDPQ Infra, la filiale de la Caisse de dépôt et placement qui construit actuellement le Réseau express métropolitain (REM), pourraient être des partenaires. Les promoteurs visent 2024 pour la réalisation de leur projet de corridor nordique.

Du vrac seulement

QcRail s’intéresse uniquement à la marchandise en vrac, qui pose souvent des problèmes de poussières et de bruit lorsqu’elle est manutentionnée au milieu des zones habitées. Le port de Montréal, qui se spécialise dans le conteneur et qui est en pleine expansion, n’aurait rien à perdre. Ni le Port de Montréal ni le CN n’ont voulu parler du projet QcRail.

Plus de place pour un TGV

L’accroissement du volume de marchandises transportées par voie ferroviaire réduirait les émissions de CO2 associées au transport routier. En désengorgeant les voies ferrées du sud de la province, QcRail favoriserait la réalisation des projets d’amélioration du transport de passagers dans le corridor Québec-Windsor, comme un train à grande fréquence ou un TGV.