(Montréal) Bombardier dispose de quelques options intéressantes devant elle, selon des analystes, afin de trouver preneur pour ses usines de fabrication de composantes situées Belfast, en Irlande du Nord, ainsi qu’à Casablanca, au Maroc.

Si certains croient qu’Airbus risque d’avoir de l’intérêt pour le site de Belfast où sont fabriquées les ailes de l’ancienne C Series, d’autres voient également des joueurs comme l’américaine Spirit AeroSystems et le conglomérat GKN, dont une division se spécialise dans l’aérospatiale, être sur les rangs pour l’ensemble des actifs mis en vente.

« Ma mise est vraiment sur ces deux fabricants [Spirit et GKN] », a expliqué vendredi l’analyste Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, au cours d’un entretien téléphonique.

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Environ 3600 employés travaillent dans les installations de Belfast.

Ce dernier, ainsi que l’analyste Seth Seifman, de la banque américaine J. P. Morgan, considèrent que Spirit risque d’avoir un intérêt sérieux, étant donné que cette entreprise établie à Wichita, au Kansas, désire continuer de croître.

M. Aboulafia a expliqué que Spirit, qui génère plus de la moitié de son chiffre d’affaires annuel de 7 milliards US auprès du géant américain Boeing, souhaite entre autres diversifier ses sources de revenus. L’entreprise doit actuellement gérer l’ajustement de cadence de production chez Boeing alors que les 737 MAX sont cloués au sol.

« Ils veulent vraiment étendre leur présence et c’est ce que qu’ils font depuis un certain temps, a-t-il dit. Spirit veut continuer à se diversifier et à étendre sa présence dans le monde. [Les usines de Bombardier en vente] constituent un bon moyen pour y arriver. »

Par courriel, une porte-parole de Spirit, Keturah Austin, a indiqué que l’entreprise ne commentait pas les hypothèses.

Spécialisée dans la fabrication de fuselages, d’ailes et de pièces pour les moteurs, l’entreprise créée en 2005 après avoir été détachée de Boeing est déjà l’un des fournisseurs d’Airbus pour les programmes A220, A320, A350 et A380. Elle compte également une usine à Prestwick, en Écosse.

Pas plus tard qu’en février dernier, lors d’une conférence destinée aux investisseurs, le chef de la direction de Spirit, Tom Gentile, avait estimé que l’A220 représentait une occasion d’élargir les relations d’affaires de la compagnie avec Airbus au moment où le géant européen souhaite réduire considérablement les coûts de ce programme.

« Spirit a déjà indiqué qu’une acquisition doit lui permettre de se diversifier par rapport à Boeing en plus de lui assurer une présence dans un pays à bas coût », a rappelé M. Seifman, soulignant que l’usine marocaine de Bombardier répondait à ce dernier critère.

GKN figure également parmi les fournisseurs de l’A220, puisque le géant britannique produit les ailettes — des pièces plus ou moins verticales qui se trouvent au bout des ailes.

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Un employé de GKN travaille sur l'aile d'un Airbus SAS A380 à l'usine de Filton, en Angleterre.

Bombardier avait mis la main sur les installations de Belfast, où travaillent quelque 3600 personnes, en 1989, alors qu’à Casablanca, l’usine de 300 employés fonctionne depuis 2015. En plus des ailes de l’A220, le site d’Irlande du Nord fabrique également les nacelles des moteurs des A320.

Les sites de Belfast et du Maroc représentent environ la moitié de la division aérostructures et services d’ingénierie, qui avait été récemment créée par Bombardier et qui a généré un bénéfice d’exploitation ajusté de 239 millions US en 2018. Le reste des activités seront consolidées dans l’arrondissement montréalais de Saint-Laurent, au Texas ainsi qu’au Mexique.

M. Aboulafia n’a pas écarté la possibilité d’une transaction entre Airbus et le constructeur québécois d’avions et de trains, mais l’analyste a dit qu’il ne croyait pas vraiment à ce scénario.

« Airbus n’est pas fervente de l’intégration verticale, a-t-il dit. De plus, il y a toute l’incertitude entourant la question du Brexit. En contrepartie, les usines de Belfast détiennent une technologie qui pourrait intéresser le géant européen. »

Jeudi, en marge de l’assemblée annuelle des actionnaires, le président et chef de la direction de Bombardier, Alain Bellemare, avait estimé qu’il pourrait s’écouler quelques mois avant l’annonce d’une transaction.

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Le président et chef de la direction de Bombardier, Alain Bellemare

Une transaction devrait permettre à la société d’obtenir de 400 millions US à 700 millions US, selon l’analyste Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux.

Cet autre délestage survient alors que Bombardier poursuit son retrait de l’aviation commerciale après avoir cédé le contrôle de la C Series, vendu son site torontois Downsview, le programme Q400 et des activités de formation de pilotes.

M. Bellemare a signalé que l’entreprise souhaitait rembourser une partie de sa dette d’environ 9 milliards US.