(Montréal) Alors que Bombardier rencontrera ses actionnaires jeudi, des caisses de retraite canadiennes et américaines qui détiennent plusieurs millions de titres se sont rangées derrière la proposition visant à abolir les actions à droits de vote multiples.

La démarche du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) a notamment obtenu l’appui de l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada (OIRPC), du régime de retraite des enseignants de la Californie (CalSTRS), de la caisse de retraite des fonctionnaires de la Colombie-Britannique et d’une autre institution floridienne (Florida State Board of Administration).

Même si la famille Beaudoin-Bombardier, qui contrôle le constructeur d’avions et de trains, pourra opposer une fin de non-recevoir à la proposition, l’appui de ces investisseurs institutionnels risque de donner des arguments à ceux qui voudront débattre du sujet dans le cadre du rendez-vous annuel.

En avril, deux des principales agences de conseil aux actionnaires, Glass Lewis et Institutional Shareholder Services, avaient également recommandé de voter en faveur d’une modification de la structure d’actionnariat.

Le Florida State Board of Administration, qui dit avoir déjà appuyé le maintien de la structure d’actions à droits de vote multiples, estime que cela est de moins en moins pertinent chez Bombardier.

« Le cours de l’action de Bombardier est demeuré pratiquement inchangé sur un horizon de 10 ans et en baisse sur un horizon de 20 ans », a expliqué par courriel Jacob Williams, qui dirige le secteur de la gouvernance.

Aux commandes

La famille Beaudoin-Bombardier contrôle 50,9 % des droits de vote alors qu’elle ne détient que 12,2 % du total des titres en circulation.

Cette dernière a parfois été la cible de critiques — notamment lorsqu’elle a bénéficié d’appuis des gouvernements alors que Bombardier traversait des turbulences financières — en raison du contrôle qu’elle exerce grâce à ses actions de catégorie A, porteuses de 10 droits de vote chacune.

Avec un actif sous gestion de plus de 150 milliards US, l’investisseur institutionnel floridien détient actuellement près de 560 000 actions de Bombardier. De son côté, CalSTRS, qui gère un actif de 227,8 milliards US, était propriétaire de 3,35 millions de titres et de l’équivalent de 12,3 millions US d’obligations.

Plus important gestionnaire de régimes de retraite au Canada, l’OIRPC, avec un actif sous gestion de 368 milliards, détenait, en date du 31 mars 2018, environ 6,5 millions d’actions de Bombardier. L’investisseur institutionnel n’a pas répondu aux questions envoyées par La Presse canadienne. Quant à la caisse de retraite des fonctionnaires de la Colombie-Britannique, 5,4 millions d’actions figuraient dans son portefeuille.

Avec 53,4 millions d’actions en date du 31 décembre, la Caisse de dépôt et placement du Québec a dit qu’elle communiquera la façon dont elle a voté dans les jours suivant l’assemblée de Bombardier.

Quelques nuances

En entrevue téléphonique, l’expert en gouvernance et professeur à l’Université Concordia Michel Magnan ne s’est pas montré surpris des orientations de ces caisses de retraite.

« Elles vont voter pour l’abolition de cette structure dans le cas spécifique de Bombardier parce que si cela se produisait, la compagnie pourrait devenir une cible potentielle pour une acquisition, a-t-il dit. Le titre pourrait grimper en raison de la spéculation. Elles ont aussi un intérêt financier. »

Par courriel, un porte-parole de Bombardier, Olivier Marcil, a réitéré mercredi que la compagnie n’avait pas l’intention de modifier sa structure d’actionnariat.

Parallèlement au rendez-vous annuel, l’entreprise dévoilera ses résultats du premier trimestre après avoir abaissé, la semaine dernière, ses prévisions de revenus et de bénéfices pour 2019, ce qui a amené certains analystes à s’interroger sur la crédibilité de l’entreprise, qui tente de compléter son plan de redressement de cinq ans.

Entre autres, ses revenus annuels devraient être de 17 milliards US, soit 1 milliard US de moins que prévu.

« Cette (réduction) suggère que les risques sont plus élevés, notamment en ce qui a trait aux cibles (du plan de redressement de cinq ans) pour 2020 », a estimé l’analyste Seth Seifman, de la banque américaine J. P. Morgan, dans un rapport publié cette semaine.

Au premier trimestre, Bombardier anticipe des revenus d’environ 3,5 milliards US, ce qui est inférieur à la prévision de 3,62 milliards US des analystes sondés par Thomson Reuters Eikon.