Onze ans après la crise financière, Desjardins revient à son essence même en mettant les besoins de ses membres en priorité. Appuyée par une grande campagne de marketing, la nouvelle ristourne en est un bon exemple, selon deux spécialistes interviewées par La Presse.

« Les excédents qu’on a préféré réinvestir ces dernières années pour augmenter la réserve peuvent maintenant être distribués, analyse Claudia Champagne, professeure en finance à l’école de gestion de l’Université de Sherbrooke. J’ai l’impression qu’on est plus à l’aise et qu’on se dit : il faut revenir à ce qu’on devait faire, parce que les clients s’en foutent un peu des ratios de capital et de la liquidité. »

Reena Atanasiadis, professeure de finance à l’école de gestion John-Molson de l’Université Concordia, considère que se concentrer sur la productivité et les excédents était une mauvaise stratégie. « Se rapprocher des membres va solliciter plus de loyauté, plus de clientèle et, par le fait même, engendrer plus d’excédents », soutient-elle.

La nouvelle ristourne donne une somme fixe aux membres qui détiennent quatre produits Desjardins. Les moins de 30 ans n’ont besoin d’avoir que trois produits pour y avoir droit. Une stratégie bien réfléchie pour aller chercher cette clientèle et la garder, soutient Reena Atanasiadis. Elle est d’avis que la ristourne à la communauté la séduira aussi.

« Desjardins remet une partie de ses excédents à la communauté et à des causes pour aider son prochain, ce qui n’existe pas dans les banques à charte. C’est sûr que la nouvelle génération va s’y identifier. » — Reena Atanasiadis, professeure de finance à l’école de gestion John-Molson de l’Université Concordia

Une option pour les milléniaux

Le grand défi de Desjardins, c’est d’être une option pour la nouvelle génération, affirme la professeure de l’école de gestion John-Molson.

« À l’extérieur de Montréal, en région, le nom est connu, il y a une manifestation de confiance. Mais pour la nouvelle génération, le côté technologique de Desjardins n’était pas au même niveau que celui des banques à charte il y a deux ans. »

Claudia Champagne, de l’Université de Sherbrooke, ne croit pas que Desjardins ait pris du retard dans son virage numérique. Elle voit la concurrence venir d’ailleurs.

« Je crois que Desjardins et les grandes banques canadiennes sont toutes au même point. La concurrence provient plutôt des petites fintechs ou de ceux qui veulent rentrer dans le secteur financier comme Amazon, qui veut commencer à accorder des prêts, et Google, qui veut aussi se lancer là-dedans. Eux ont une longueur d’avance sur le secteur bancaire. »

Claudia Champagne est administratrice membre du C.A. d’une caisse de Sherbrooke et chercheuse à la Chaire Desjardins en finance responsable. Reena Atanasiadis a donné par le passé de la formation en finance à des employés des caisses.