(New York) Plus d’un mois après l’immobilisation du Boeing 737 MAX, l’heure est au premier bilan pour American Airlines et Southwest : grosses clientes de cet avion, elles ont dû annuler des milliers de vols, réorganiser des services et leur rentabilité en a souffert.

La facture est salée et devrait dans la meilleure des hypothèses s’élever à 350 millions de dollars cette année pour American Airlines, forcée vendredi de revoir à la baisse ses ambitions financières pour 2019.

« Nos prévisions à court terme sont affectées par l’immobilisation au sol de la flotte des 737 MAX, qui ont dû être retirés de notre programme de vol jusqu’au 19 août », a déclaré le PDG Doug Parker.

American Airlines a toutefois réaffirmé son soutien à Boeing, écartant toute idée de remplacer ses 737 MAX par des Airbus.

C’est aussi le cas de Southwest, qui exploite 34 exemplaires et attend une livraison de 41 unités supplémentaires cette année.

Les dirigeants de la compagnie aérienne font valoir que leur récente visite en Europe pour voir l’A220, un avion construit par Airbus et plus petit que le 737 MAX, était « prévue de longue date ».

« En déduire que cette visite suggère que nous voulons passer de Boeing et du MAX à [Airbus et l’A220] n’est pas vrai », a déclaré jeudi à des journalistes, lors d’une conférence téléphonique, Gary Kelly, le PDG. « Nous n’avons en projet que d’accroître notre flotte avec des MAX ».

Contrairement à leur homologue Oscar Munoz, le PDG d’United Airlines, MM. Parker et Kelly ne dissimulent pas pour autant leur frustration vis-à-vis de Boeing.

« Nous ne sommes pas contents de cette situation. Qui le serait ? », a fulminé Gary Kelly. « Bien évidemment que nous ne sommes pas contents et personne ne l’est », s’est emporté Doug Parker.

Angoisse des passagers

Les autorités de l’aviation civile à travers le monde ont cloué au sol mi-mars la flotte des 737 MAX après un accident d’un appareil de ce type, le 737 MAX 8, exploité par Ethiopian Airlines le 10 mars au sud-est d’Addis Abeba ayant fait 157 morts.

Cet accident était survenu quelques mois seulement après celui de Lion Air ayant entraîné la mort de 189 personnes.  

Le système anti-décrochage de l’avion, le MCAS, a été mis en cause dans les deux tragédies.

Boeing travaille actuellement sur une mise à jour de ce logiciel, nécessaire avant une éventuelle levée de l’interdiction de vol.

American Airlines a dû annuler 1200 vols prévus sur ses 24 737 MAX au premier trimestre pour un coût de 50 millions de dollars et a déprogrammé tous les autres vols prévus jusqu’au 19 août, soit 115 vols par jour.  

Southwest a pour sa part annulé plus de 10 000 vols au premier trimestre — un record depuis le troisième trimestre 2001 affecté par les attaques du 11-Septembre —, en raison non seulement du 737 MAX mais aussi d’un conflit social et des tempêtes dans certaines régions aux États-Unis.  

Résultat : le bénéfice net a chuté de 16 % à 387 millions de dollars.

Le transporteur a suspendu en outre tous les vols programmés sur ses 34 737 MAX jusqu’au 5 août.

Au-delà des tracas financiers, les deux compagnies aériennes rencontrent d’autres désagréments.  

American Airlines a dû trouver en urgence des places à 700 000 passagers affectés par le MAX et changer les emplois du temps des personnels navigants à la dernière minute.

« Nos équipes des services réservations et relations-clients travaillent sans arrêt et sont obligées de faire des heures supplémentaires pour répondre aux besoins des passagers », a confié Doug Parker.

« Le quotidien est fait d’annulations ou retards de vols, de changements d’appareils, de modifications d’itinéraires, de volumes d’appels élevés dans nos centres d’appels, de coûts de logistique et de demandes liées à l’immobilisation du 737 MAX », a déploré Michael Van de Ven, le numéro 2 de Southwest.

Plus grave, l’angoisse des passagers aux aéroports, avance M. Van de Ven.

Southwest, qui anticipe une désaffection momentanée pour le 737 MAX, a commencé à effectuer des enquêtes de satisfaction auprès de ses clients et est en train de plancher sur une offensive marketing afin de rassurer le grand public sur la sécurité de l’avion.

Boeing devrait éponger cette ardoise, estime un grand nombre d’experts, qui anticipent des indemnisations à plusieurs milliards de dollars pour les compagnies affectées.

« Ce sont des choses dont nous discuterons en privé avec Boeing », avance Gary Kelly.