Quarante-six ans après sa fondation, Maison Corbeil met le pied à l’extérieur du Québec. Pour l’occasion, un concept multienseigne baptisé Home Société et inspiré de Must Société, dans Griffintown, a été créé. Si tout se passe comme prévu, d’autres grandes surfaces semblables seront inaugurées un peu partout au pays.

« On ne veut pas être perçu comme un magasin de meubles. On est une destination pour la décoration », lance Éric Corbeil, coprésident de Maison Corbeil et de Must Société.

La différence ? Les clients des enseignes qu’il dirige n’achètent pas des meubles parce qu’ils ont « besoin de remplacer leur sofa parce qu’il est défoncé, ils changent de décor » au gré de leurs envies et des modes, car ce sont « des design enthusiasts » susceptibles d’acheter à tout moment.

Cet esprit est particulièrement évident dans le magasin du quartier Griffintown, baigné par une douce odeur de pain lors de l’entrevue.

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Une boulangerie se trouve à l’intérieur de la boutique Must Société, dans Griffintown.

Ce n’était pas du simple marketing olfactif. Une boulangerie se trouve à l’intérieur du magasin. Et en s’y rendant, on croise une collection de produits pour le corps, de la vaisselle, un fleuriste et un îlot où des chefs de restaurants connus font à manger aux clients. Grâce à cette offre non traditionnelle pour un détaillant de meubles, « on est devenu un magasin de quartier », note Éric Corbeil.

Ce commerce a aussi permis à l’entreprise de « tester toutes sortes d’affaires », dont certaines se retrouvent dans les nouveaux magasins de la chaîne. À commencer par le Home Société de Toronto, ouvert il y a quelques jours.

Ambitions torontoises

Le commerce de 80 000 pieds carrés – le plus grand parmi les huit de l’entreprise montréalaise – abrite notamment une trattoria italienne. Il se trouve à proximité de Yorkdale, le centre commercial le plus performant de la région torontoise, et du Design District. Il a nécessité un investissement qui a atteint 6 millions de dollars.

« On propose une offre globale et inspirationnelle », fait valoir Éric Corbeil, puisque trois enseignes aux personnalités distinctes y sont réunies, chacune avec sa propre entrée. Il s’agit de Maison Corbeil, Must et Jardin de Ville, trois des quatre chaînes de magasins détenues par la Corporation Financière Champlain par le truchement de sa filiale G2MC (la quatrième est La Galerie du meuble, exclusivement à Québec, pour un total de 16 points de vente).

On y trouve aussi la collection haut de gamme Ligne Roset, de sorte que plusieurs gammes de prix fort différentes se côtoient, ce qui est assez inhabituel dans la vente au détail. 

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Éric Corbeil, coprésident de Maison Corbeil et de Must Société

« On vise le même type de monde, pas de revenu. C’est ça, la nuance. »

— Éric Corbeil, coprésident de Maison Corbeil et de Must Société

L’entreprise de plus de 500 employés n’exclut pas la possibilité d’ouvrir d’autres magasins Home Société dans la région de Toronto et ailleurs au Canada. Même s’il est considéré comme « le concept idéal » pour cette expansion, il n’est pas exclu que des commerces monoenseignes puissent être inaugurés dans les grandes villes.

« Est-ce qu’on pourrait faire cinq ou six supermagasins d’ici dix ans ? », se demande Éric Corbeil, précisant que le chiffre d’affaires du groupe doit atteindre 250 millions prochainement.

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Dans Griffintown, le magasin Must Société offre non seulement des meubles, mais aussi des produits pour le corps et de la vaisselle, ainsi que les services d’un fleuriste et un îlot où des chefs de restaurants connus font à manger aux clients.

Nouveau Must Société à Laval

Celui qui agit aussi à titre de vice-président au développement de G2MC prépare par ailleurs l’ouverture du troisième Must Société, prévue à la mi-mai dans l’ancien local des meubles Philippe Dagenais, à Laval. Le commerce de 65 000 pi2 abritera une boulangerie, un fleuriste, un Céragrès (céramiques) et un C&M Textiles (revêtements de fenêtres).

À l’origine, Must était le nom d’une collection plus jeune et moins chère vendue à l’intérieur des Maison Corbeil. Elle a finalement eu droit à ses propres boutiques et à un changement de nom. « De façon indépendante, c’est Must Société », explique Éric Corbeil.

G2MC investit aussi dans la technologie afin de rattraper son retard. Un premier site web transactionnel, celui de Maison Corbeil, a été lancé « il y a trois, quatre semaines ». Ceux de Must Société et de Jardin de Ville suivront à l’automne et au début de 2020 respectivement.

« Le web était notre faiblesse et ce l’est encore, admet le dirigeant. Je ne sais pas à quel point on peut vendre des meubles sur le web, mais les gens prémagasinent beaucoup. Avant, ils faisaient 52 magasins. Aujourd’hui, ils font 52 sites et un magasin. »

Éric Corbeil au sujet de...

Les baisses de prix

En faisant partie de G2MC, Maison Corbeil a accru son pouvoir d’achat, ce qui lui permet désormais d’acheter directement des fournisseurs de petits objets comme les lampes et les coussins. « Aucun site web en Amérique du Nord ne peut acheter de façon plus efficace que nous pour vendre moins cher. C’est ça, le nerf de la guerre. […] Si tu n’achètes pas de la bonne façon, quelqu’un quelque part le fait. […] Je peux maintenant vendre au même prix que Wayfair avec une bonne marge, car je ne passe plus par des distributeurs. Et t’as pas le choix de refiler l’économie aux clients, car les autres le font. »

L’avantage des grands magasins

Tandis que la tendance dans la vente au détail est de réduire la taille des magasins parce que l’ensemble des stocks est visible en ligne et que les loyers sont chers, G2MC a choisi la stratégie inverse. « Ce n’est pas vrai que les ventes au pied carré diminuent si c’est grand. C’est plutôt le contraire. […] Nous, on calcule beaucoup les temps de visite. Pour nous, c’est important parce que c’est plus facile d’augmenter la facture moyenne des clients que de faire venir plus de monde. » Aussi, plus la séance de magasinage est longue, plus les chances qu’une vente se concrétise sont grandes.

L’impact du lèche-vitrine virtuel

G2MC croit que son vaste concept multienseigne Home Société est idéal pour séduire la clientèle du reste du Canada, puisqu’il propose plusieurs gammes de produits de divers prix et styles. « Les gens sont habitués à voir sur internet en 10 minutes à peu près 9500 photos de meubles. Donc, un magasin de 5000 pieds carrés, ça n’impressionne plus personne ! […] Alors si ce n’est pas grand, il faut un concept. […] Nous, vu qu’on n’est pas connus, on a décidé d’ouvrir un grand magasin pour que les gens en parlent et qu’ils se disent que ça valait la peine d’avoir fait une heure et demie de route dans le trafic. »

Le client en 2019

« Le consommateur, dans ses achats, a des exigences très variables. Avant, le client qui s’habillait chez Holt Renfrew se meublait chez Fraser. Maintenant, tu peux avoir quelqu’un qui s’habille chez Holt Renfrew et achète ses meubles chez IKEA. Il n’y a pas deux clients pareils. Certains mettent 10 000 $ sur une montre, mais 3000 $ pour un sofa, c’est trop cher. »