Renvoyés dos à dos, Elon Musk et le gendarme boursier américain ont deux semaines pour parvenir à une solution dans leur différend lié aux tweets frénétiques du patron de Tesla accusé par la SEC de tromper les investisseurs, selon la décision d'une juge fédérale à New York jeudi.

La juge Alison Nathan a fixé un délai de deux semaines aux deux parties pour parvenir à une solution concertée, celles-ci devant faire part de leurs avancées à l'issue de cet ultimatum.

« Je vais vous demander de vous rencontrer et de vous concerter pendant au moins une heure » durant cette période, a ordonné la juge, précisant que M. Musk pouvait toujours être condamné pour « outrage » par le tribunal à l'issue de ces deux semaines.

Mais, a-t-elle relevé, une telle décision « serait lourde de conséquences », semblant laisser du temps à la discussion avant d'agir.

Le milliardaire de 47 ans s'est rendu en personne à l'audience new-yorkaise. À l'issue de celle-ci, il s'est déclaré devant les médias américains « très impressionné » par la juge et a affirmé qu'il serait « certainement » capable de parvenir à un règlement du conflit avec la SEC.

À Wall Street, le constructeur de véhicules électriques Tesla a dégringolé de plus de 8 % jeudi, davantage affecté par des chiffres très décevants de livraisons pour le premier trimestre que par l'actualité judiciaire.

Le gendarme boursier reproche à M. Musk d'avoir multiplié des tweets dont le contenu était susceptible de tromper les investisseurs et d'influencer le cours de l'action Tesla.

« Défier l'autorité »

Le bras de fer entre Elon Musk et la SEC est né après un accord à l'amiable conclu entre les deux parties en octobre, à la suite d'un tweet du 7 août de l'entrepreneur assurant disposer des financements appropriés pour retirer Tesla de la Bourse.

Cette déclaration avait fait flamber l'action et fait perdre beaucoup d'argent à des investisseurs ayant parié sur l'effondrement du titre du groupe, dont la rentabilité demeure fragile plus de quinze ans après sa création.

N'étant pas parvenu à apporter les preuves de son affirmation, Elon Musk s'était vu infliger une amende de 20 millions de dollars par la SEC.

Le régulateur avait aussi obtenu que toute communication du patron « contenant ou pouvant contenir des informations susceptibles d'affecter Tesla ou ses actionnaires » soit passée en revue par les juristes de l'entreprise avant d'être publiée.

Selon la SEC, M. Musk n'a pas respecté cette dernière clause de l'accord en tweetant, le 19 février, que Tesla allait produire 500 000 voitures en 2019 quand le groupe ne parlait alors que d'environ 400 000 unités du fait de problèmes de production rencontrés pour le Model 3, voiture censée en faire un constructeur de masse.

Quatre heures plus tard, le milliardaire rectifiait le tir : « Les livraisons pour cette année demeurent attendues à environ 400 000 » unités.

« Enrichissement des spéculateurs »

M. Musk « a une fois de plus diffusé des informations importantes sur Tesla à ses plus de 24 millions d'abonnés sur Twitter, dont des journalistes, et rendu accessibles des informations incorrectes à toute personne disposant d'un accès à internet », accusait la SEC.

Rejetant cet argument, les avocats du grand patron font valoir qu'il a respecté les demandes de la SEC en réduisant mensuellement de « près de moitié » en moyenne ses tweets mentionnant Tesla.

Ils accusent à leur tour l'autorité de bafouer la liberté d'expression de M. Musk et estiment que cette action judiciaire est une mesure de représailles à des propos tenus par leur client lors de la célèbre émission de télévision 60 Minutes.

« Je veux être clair. Je ne respecte pas la SEC [...] Je ne les respecte pas », avait déclaré à plusieurs reprises Elon Musk lors de cette émission d'enquêtes diffusée en décembre.

Il avait qualifié sur Twitter la SEC de « Commission d'enrichissement des spéculateurs », quelques jours après l'accord.

« L'entretien de 60 Minutes a alimenté l'image selon laquelle Musk est "quelqu'un d'habitué à défier l'autorité" et ébranle l'argument de la défense selon lequel il a veillé à respecter l'accord » avec la SEC, a estimé Erik Gordon, enseignant à l'université du Michigan.

Les spéculations sont allées bon train avant la décision du tribunal jeudi, certains évoquant une possible amende contre Elon Musk, des restrictions sur son utilisation des réseaux sociaux, voire un avenir compromis à la tête de Tesla.