Namaste Technologies, cette société de cannabis qui a été visée par une enquête du ministère la Santé et des Services sociaux en septembre parce qu'elle recrutait des clients potentiels avec des mannequins vêtues en « infirmières sexy », se trouve dans la tourmente depuis un peu plus d'un mois.

Le PDG de Namaste, Sean Dollinger, a été congédié début février à la suite d'une enquête interne qui a conclu que la société a vendu des actifs à des entreprises dans lesquelles M. Dollinger et David Hugues avaient des intérêts, ce qui constitue une « violation d'une obligation fiduciaire » et une « preuve de transaction entre personnes apparentées ».

M. Dollinger a été réembauché par la suite à titre de consultant.

Puis, cette semaine, l'auditeur Price Waterhouse Cooper (PWC) a annoncé qu'il cessait d'assurer la vérification des livres comptables de l'entreprise, sans expliquer pourquoi. Le porte-parole Youann Blouin n'a voulu faire aucun commentaire, évoquant son obligation de confidentialité à l'égard des clients. 

Deux membres du conseil d'administration de Namaste, dont le Montréalais Sefi Dollinger (l'oncle de Sean), ont ensuite annoncé leur démission dans un communiqué. « Je pars parce que je manque de temps pour m'occuper d'une autre entreprise que je possède, ça n'a rien à voir avec le retrait de PWC », a affirmé Sefi Dollinger au téléphone.

L'enquête interne visant le PDG Sean Dollinger avait été déclenchée dans la foulée d'une série d'événements qui ont attiré l'attention des autorités québécoises et d'investisseurs activistes sur cette entreprise qui a l'ambition de devenir l'« Amazon du cannabis ».

En septembre dernier, Namaste avait tenu un événement promotionnel dans un bar du centre-ville de Montréal, avec le rappeur Snoop Dogg (qui se produisait sous le nom de scène de DJ Snoopadelic pour l'occasion), pour remercier les actionnaires qui détenaient des actions depuis plus de 90 jours. 

Sean Dollinger avait alors expliqué à La Presse la façon « révolutionnaire » de recruter de nouveaux clients pour Namaste en leur obtenant une ordonnance de cannabis médical lors d'une entrevue sur Skype avec une infirmière praticienne de l'Ontario. Sur place, des mannequins professionnelles déguisées en infirmières sexy récoltaient les noms des clients potentiels, pendant que l'entreprise faisait la promotion de produits du cannabis, en contravention des règles québécoises encadrant la marijuana.

Le producteur de cannabis Tilray, fournisseur de Namaste, avait coupé les ponts dès le lendemain avec l'entreprise, par crainte de perdre un contrat d'approvisionnement garanti de 5 millions de grammes avec la Société québécoise du cannabis (SQDC).

Par la suite, la société spécialisée dans la vente de titres à découvert Citron Research a publié deux rapports accusateurs au sujet de Namaste. Dans l'un d'eux, l'investisseur militant Andrew Left accusait Sean Dollinger d'avoir faussement fait croire aux actionnaires que Namaste venait d'être acceptée à la Bourse NASDAQ, et soutenait que M. Dollinger s'était prêté à une « fraude » en vendant des actifs de Namaste au chef du marketing David Hugues.

C'est sur la base des prétentions d'Andrew Left que Namaste a lancé l'enquête qui a mené plus tard à la destitution du PDG.

Chute de l'action

L'action de Namaste a considérablement reculé depuis, passant d'un sommet de 3,75 $ à la mi-septembre à moins de 0,70 $ vendredi.

Andrew Left fait son pain et son beurre de la publication de rapports dévastateurs sur des entreprises dont il a préalablement vendu les actions à découvert, en spéculant sur le fait que leur prix baissera avec le dévoilement d'irrégularités. C'est lui qui, en 2015, avait tiré la sonnette d'alarme au sujet de l'entreprise pharmaceutique lavalloise Valeant, en l'accusant d'avoir multiplié les transactions frauduleuses pour faire gonfler artificiellement le prix de ses médicaments.

« J'ai fait beaucoup d'argent en vendant l'action de Namaste à découvert », s'est-il félicité en entrevue avec La Presse jeudi.

C'est la troisième fois depuis le mois d'août dernier que Namaste reporte la publication de son rapport annuel, souligne l'analyste financier Alan Brochstein, spécialisé dans les titres de l'industrie du cannabis. « Ils ont utilisé un truc pour éviter d'être audités » en changeant la date de la publication de leurs états financiers, dit-il. « [Les gens de] PWC n'ont pas dû aimer ce qu'ils ont vu », croit-il.

Joint jeudi, Sean Dollinger n'a voulu faire aucun commentaire, nous dirigeant plutôt vers l'avocat de Namaste. L'entreprise n'a pu être jointe vendredi.