Fondée en 2011, la québécoise Clementia Pharmaceuticals n'aura pas eu le temps de commercialiser ses premiers traitements puisqu'elle passera dans le giron du géant Ipsen, prêt à offrir jusqu'à 1,31 milliard US.

Cette transaction annoncée lundi permettra à la multinationale française d'acquérir le palovarotène, un traitement en phase finale de développement destiné à des patients qui sont atteints de maladies osseuses très rares.

« Notre ambition était de créer une entreprise autonome qui aurait pu vendre partout dans le monde, mais cela n'aura pas été notre destin », a expliqué la présidente-directrice générale de Clementia, la docteure Clarissa Desjardins, au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.

Contrairement à Ipsen, la compagnie montréalaise, peu connue du public, n'a pas encore d'équipe pour commercialiser ses produits, a-t-elle souligné.

Le géant pharmaceutique propose 25 $ US pour chaque action de Clementia, soit 1,04 milliard US. Des paiements différés de 263 millions US sont prévus si d'autres étapes réglementaires sont franchies. L'offre constitue une prime de 77 % par rapport au cours moyen sur 30 jours du titre de la société au NASDAQ.

Toutefois, le titre de Clementia a clôturé à 26,06 $ US, lundi, en hausse de 74,43 %, ou 11,12 $ US, alors que le titre d'Ipsen a abandonné 8,05 euros, ou 6,54 %, sur la Bourse Euronext, terminant à 15,50 euros.

Clementia compte une trentaine d'employés dans son centre de recherche et de développement à Montréal, environ 15 à Boston ainsi que six en Europe.

« Ipsen a promis de conserver l'équipe intacte », a dit la docteure Desjardins.

La PDG de Clementia Pharmaceuticals n'a pas voulu dire si elle gonflerait les rangs de son acquéreur à plus long terme, indiquant qu'elle demeurera en poste « pour un certain temps », notamment pour faciliter l'intégration.

Développement

En Amérique du Nord, Ipsen compte 600 employés, dont 50 au Canada. Elle est surtout présente dans la région de Boston, où se trouve un important laboratoire de recherche et de développement.

Elle anticipe une approbation du palovarotène dès l'année prochaine aux États-Unis, ce qui devrait paver la voie à une commercialisation du traitement en sol américain, puis en Europe, si tout se déroule comme prévu.

« C'est un moment charnière pour une compagnie, a dit la docteure Desjardins. Il est normal à ce moment-ci que d'autres entreprises manifestent leur intérêt. »

Pour le directeur général d'Ipsen, David Meek, cette acquisition, dont la clôture est prévue au deuxième trimestre, permettra au géant pharmaceutique de renforcer son portefeuille dans le secteur des maladies rares.

Fondée en 1929, l'entreprise spécialisée dans l'oncologie et les neurosciences, qui compte plus de 5400 employés en plus de générer des ventes annuelles de 1,9 milliard d'euros, veut accélérer sa transformation.

« Nous faisons l'acquisition d'une expertise scientifique, [...] d'une molécule unique dans le traitement de maladies ultrarares [...] et d'avancée thérapeutique majeure », a-t-il souligné au cours d'une conférence téléphonique.

Un dossier d'enregistrement devrait être déposé auprès de la Food and Drug Administration (FDA) en ce qui a trait au palovarotène d'ici la fin de l'année.

Cette molécule vise le traitement de la fibrodysplasie ossifiante progressive, qui touche environ 9000 personnes, et des ostéochondromes. En ce qui a trait à la fibrodysplasie ossifiante progressive, M. Meek a évoqué des ventes annuelles de 400 millions US vers 2025.

Achat rapide

Clementia avait effectué son entrée en Bourse en août 2017.

La plupart de ses actionnaires sont américains, mais le Fonds de solidarité FTQ et BDC Capital, une filiale de la Banque de développement du Canada (BDC), ont également investi dans l'entreprise. L'offre d'Ipsen leur permet de passer à la caisse.

BDC Capital, deuxième actionnaire en importance avec quelque 5,5 millions d'actions, a vu la valeur de son investissement s'apprécier de 61,13 millions US grâce au bond du titre de Clementia. On ignore si la BDC compte appuyer la transaction.

Après trois trimestres en 2018, Clementia avait réduit sa perte à 38,76 millions, par rapport à 103,67 millions à la même période en 2017.

En décembre, David Martin, de la firme Bloom Burton, avait estimé, dans un rapport, que l'action de la pharmaceutique québécoise pourrait atteindre 50 $ US d'ici cinq à sept ans. Toutefois, en cas d'échec dans les démarches auprès de la FDA, le titre aurait pu dégringoler à 1,70 $ US, selon l'analyste.

Les actionnaires de Clementia devront se prononcer sur la transaction dans le cadre d'une assemblée extraordinaire aux alentours du 9 avril.