Une agence de notation ajoute sa voix à celle d'analystes préoccupés par la situation financière de SNC-Lavalin, qui est mêlée à une tempête politique à Ottawa en plus d'avoir des démêlés avec la justice.

DBRS a placé la firme d'ingénierie en examen avec perspectives négatives, vendredi, évoquant une détérioration de ses finances découlant des deux révisions significatives des prévisions de bénéfices effectuées depuis la fin janvier.

Si la multinationale a récemment été en mesure d'obtenir des assouplissements temporaires de ses conditions d'emprunt, cela ne semble pas suffisant pour rassurer l'agence de notation torontoise.

« DBRS est d'avis que les modifications apportées (par SNC-Lavalin) afin d'éviter tout manquement (à ses obligations) ne concordent pas avec celles des autres sociétés de la même ampleur qui sont cotées en Bourse », fait-elle valoir dans une note.

Aux prises avec des problèmes d'exécution dans le cadre d'un projet minier au Chili et confrontée à de l'instabilité en Arabie saoudite, la compagnie anticipe un bénéfice ajusté par action qui devrait varier entre 1,20 $ et 1,35 $ pour l'exercice 2018. Cela représente une baisse de 44 % par rapport à la prévision révisée de la fin janvier.

Dans son secteur mines et métallurgie, la perte d'exploitation pourrait atteindre 350 millions au quatrième trimestre.

« Ceci, combiné à un affaiblissement des perspectives, devrait provoquer une détérioration de la situation financière », souligne DBRS, qui doit rencontrer la direction de SNC-Lavalin au cours des « prochaines semaines ».

La firme d'ingénierie affirme qu'elle a toujours accès à environ 1,8 milliard, ce qui, estime-t-elle, ne l'oblige pas à procéder à une nouvelle émission d'actions pour amasser de l'argent.

Néanmoins, Maxim Sytchev, de la Financière Banque Nationale, a écrit, dans un rapport publié plus tôt cette semaine, que le bilan financier sous pression faisait depuis « plusieurs jours » l'objet de discussions chez les investisseurs.

« Selon nos calculs, la valeur boursière (de la compagnie) s'est évaporée d'environ 800 millions en raison des craintes entourant les liquidités », a indiqué l'analyste.

Pour sa part, l'analyste Frederic Bastien, chez Raymond James, a noté que SNC-Lavalin n'avait toujours pas indiqué, à la suite de ses deux plus récentes annonces, combien d'argent il lui restait.

Contrairement à Standard & Poor's, DBRS a décidé, pour le moment, de ne pas toucher à la cote de crédit de la multinationale. L'agence de notation de Toronto a toutefois l'intention d'exiger des comptes en ce qui a trait au contrôle des risques à court et moyen terme au sein de la société.

À l'instar des analystes, elle veut aussi savoir ce que SNC-Lavalin fera de sa participation de 17 % dans l'autoroute à péage 407, dans la région de Toronto, dont la valeur pourrait atteindre 5,4 milliards.

Les déboires de l'entreprise ont fait plonger le cours de son action, qui se négociait vendredi aux alentours de 34 $, soit son niveau d'il y a environ 10 ans.

SNC-Lavalin tente de conclure une entente à l'amiable avec les procureurs fédéraux afin d'éviter un procès criminel en lien avec des accusations de fraude et de corruption déposées par la Gendarmerie royale du Canada en 2015 pour des gestes qui auraient été posés entre 2001 et 2011 en Libye.

Une condamnation pourrait empêcher la compagnie de décrocher des contrats fédéraux pour une période pouvant s'échelonner sur dix ans.

Cette affaire se retrouve actuellement au coeur de l'actualité en raison d'allégations selon lesquelles le bureau du premier ministre Justin Trudeau aurait fait pression sur l'ex-ministre de la Justice Jody Wilson-Raybould afin que les procureurs fédéraux négocient un accord de poursuite suspendue avec la firme - une requête à laquelle l'ex-ministre aurait refusé d'accéder.

Mme Wilson-Raybould a démissionné mardi dans la foulée de ce scandale. Elle avait été rétrogradée en janvier de ministre de la Justice à ministre des Anciens combattants lors d'un remaniement.

SNC-Lavalin pourrait également faire face à des accusations criminelles au Québec. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales s'intéresse à l'enquête de la police fédérale à propos de gestes qui auraient été posés par l'entreprise au début des années 2000 entourant l'obtention d'un contrat de réfection pour le pont Jacques-Cartier.