(Paris) Le géant LVMH va croquer le célèbre joaillier Tiffany pour 16,2 milliards de dollars, une acquisition record dans le secteur du luxe et pour le groupe de Bernard Arnault, qui se renforce aux États-Unis et ajoute un joyau de taille à son portefeuille.

« C’est une marque emblématique, une icône de l’Amérique qui devient ainsi un peu française. Elle a beaucoup de potentiel et une histoire incroyable », a souligné à l’AFP Bernard Arnault lundi matin.

Son groupe a « l’ambition de faire briller » la marque « avec tout le soin et toute la détermination que nous avons su déployer pour toutes les maisons qui nous ont rejoints au fil de notre histoire », a affirmé le milliardaire dans le communiqué commun avec Tiffany.

Cette opération est considérée comme le plus gros rachat dans l’industrie du luxe : mi-octobre, LVMH avait proposé à Tiffany une offre de rachat à 120 dollars par action,  qu’il a finalement portée à 135 dollars.

Sous réserve des conditions suspensives habituelles, l’accord conclu entre les deux parties valorise Tiffany à environ 14,7 milliards d’euros, soit 16,2 milliards de dollars. La clôture de l’opération est prévue pour mi-2020.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a fait part sur Twitter de sa « fierté de voir LVMH accueillir dans son groupe un joaillier comme Tiffany. C’est une excellente nouvelle pour le renforcement de la position du groupe aux États-Unis et pour le rayonnement du secteur français du luxe et de la mode à travers le monde ».

Pour Tiffany, l’opération « intervient au moment où notre marque est engagée dans un processus de transformation important » et elle « va apporter à la fois un soutien, des moyens et un élan supplémentaires pour atteindre ces objectifs », a souligné Alessandro Bogliolo, directeur général du joaillier.

Pour LVMH, l’acquisition de Tiffany va permettre de renforcer sa présence aux États-Unis, actuellement le deuxième marché du géant du luxe : 23 % de ses ventes y ont été réalisées lors des neuf premiers mois de l’année, derrière l’Asie hors Japon (31 %).

Rivaliser avec Richemont

LVMH va également pouvoir ajouter un prestigieux joaillier à son portefeuille qui compte déjà Bulgari (racheté en 2011) et Chaumet (1999), et ainsi mieux rivaliser dans les bijoux haut de gamme - le seul secteur du luxe où il n’est pas numéro un - avec son concurrent (suisse) Richemont, propriétaire des griffes Cartier et Van Cleef & Arpels.

Tiffany a connu « des hauts et des bas, donc il y a beaucoup de choses à faire ». Mais « nous avons un peu d’expérience en joaillerie : nous avons ainsi multiplié le résultat opérationnel de Bulgari par cinq depuis son rachat en 2011 », explique à l’AFP Bernard Arnault.

L’intégration de Tiffany fera passer de 9 à 16 % la contribution de la division Montres et Joaillerie (Bulgari, Chaumet, Tag Heuer, Hublot, Zenith, Fred) au chiffre d’affaires total du groupe. La branche devancera ainsi les vins et spiritueux (10 %) et les Parfums et Cosmétiques (12 %).

LVMH n’a pas dévoilé la stratégie qu’il compte appliquer à Tiffany, fondé en 1837 et qui cherche depuis des années à moderniser son image pour attirer une clientèle plus jeune.

Lors d’une conférence téléphonique, le directeur financier Jean-Jacques Guiony a simplement indiqué que les bagues de fiançailles et les alliances étaient « une force stratégique différenciante de Tiffany », et affirmé qu’il n’y avait « absolument aucun problème avec les produits d’entrée de gamme » que sont les bijoux en argent, bien moins chers que l’or.

Interrogé sur un possible retrait de Tiffany de la Bourse de New York, M. Guiony a également indiqué que si l’opération était approuvée, « tous les titres seront transférés à LVMH ».

« La haute joaillerie se développe, et paradoxalement dans un monde où il y a un certain nombre de problèmes économiques. Mais les produits les plus qualitatifs, les plus artisanaux, attirent de plus en plus de clients, c’est à mettre en parallèle avec la hausse globale du niveau de vie dans toute une série de pays qui étaient loin de pouvoir acquérir ce genre de produits il y a vingt ans », met en avant Bernard Arnault.

« Aujourd’hui, l’attrait pour les produits les plus sophistiqués augmente, ce qui explique aussi la croissance du groupe LVMH dans son ensemble », résume-t-il auprès de l’AFP.