Le mécanisme est tout nouveau, et il a surtout été associé dans le débat public aux déboires de SNC-Lavalin. Mais au cours des années à venir, plusieurs entreprises canadiennes pourraient être en position de négocier un « accord de réparation » avec les autorités pour reconnaître leurs torts et éviter un procès. Le cabinet Davies a réuni 150 personnes à Montréal la semaine dernière, dont des experts internationaux, pour s’y préparer.

Intérêt au Québec

Le gouvernement fédéral a modifié le Code criminel l’an dernier afin d’introduire la notion d’accord de réparation, qui s’applique aux entreprises, mais pas aux individus. Si la situation le justifie, la Couronne peut désormais conclure ce genre d’accord à l’amiable avec une entreprise accusée d’une infraction. L’entreprise doit notamment reconnaître les actes répréhensibles, payer une pénalité et changer ses pratiques. En contrepartie, les accusations sont suspendues.

Un tel remède a été refusé à SNC-Lavalin l’an dernier, ce qui a provoqué une crise au Conseil des ministres. Mais l’outil demeure disponible pour les prochains dossiers d’entreprises accusées. La semaine dernière, des gens d’affaires, des banquiers, des avocats et des comptables étaient nombreux au colloque pour en entendre parler.

Me Léon Moubayed, associé au cabinet Davies, croit que le mécanisme suscite beaucoup d’intérêt au Québec.

Au Québec et au Canada, au cours de la dernière décennie, nous avons été une espèce de laboratoire, avec toutes les commissions d’enquête publiques ou les enquêtes policières anticorruption. Nous avons développé une connaissance plus approfondie de ces enjeux comme société. On a eu de gros dossiers et beaucoup d’attention portée à ça.

Me Léon Moubayed, associé au cabinet Davies

Tendance mondiale

Des experts des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France ont pris la parole lors de l’événement et expliqué comment des mécanismes d’ententes à l’amiable similaires font maintenant partie intégrante de leur pratique. Ils sont aussi au cœur des préoccupations des entreprises de chez eux.

Un rapport publié plus tôt cette année notait que 78 % des dossiers de corruption d’agents publics étrangers clos depuis 1999 dans les pays signataires de la convention anticorruption de l’OCDE l’ont été à travers une forme ou une autre d’arrangement à l’amiable.

« C’est en train de devenir la voie la plus prisée », souligne Me Moubayed.

« Ce qui est intéressant, c’est que les objectifs poursuivis dans les différentes juridictions sont les mêmes. Une compagnie ne peut pas être mise en prison, c’est le concept de base », ajoute-t-il.

Donc le but est de trouver une nouvelle façon de punir une société sans compromettre sa survie et sans compromettre les tiers innocents, tout en encourageant le développement d’une culture de conformité volontaire et même d’autodéclaration des agissements.

Me Léon Moubayed, associé au cabinet Davies

Grosses pénalités

L’un des conférenciers invités au colloque, Sir David Green, ancien directeur du Serious Fraud Office du Royaume-Uni, a raconté comment son équipe avait négocié un accord de poursuite suspendue avec Rolls Royce. L’entreprise était accusée d’avoir payé des pots-de-vin dans plusieurs pays pour obtenir des contrats.

Rolls Royce a finalement accepté de payer l’équivalent de 1,15 milliard de dollars en pénalités.

« Ils ont fait un règlement global à travers le monde, dans plusieurs juridictions en même temps. L’entreprise règle ça une fois pour toutes et tourne la page. Ça évite des batailles qui peuvent durer une décennie », remarque Me Moubayed.

Pour lui, ce genre d’accord est aussi très dissuasif. « C’est punitif, c’est dur et il y a un message clair qui est envoyé avec ça », dit-il. 

Le premier test

Pour les avocats, le premier accord de réparation qui sera négocié avec succès au Canada sera étudié de près. Ceux-ci pourront ensuite s’ajuster pour les prochains cas.

« On attend juste que les tribunaux canadiens se saisissent d’un dossier et émettent des lignes directrices, des éléments, des conditions ou des facteurs qui vont permettre d’ouvrir la compréhension de ce mécanisme », affirme Me Moubayed.