(Genève) L’OMC a autorisé Washington, dans le conflit sur les aides à Airbus, à prendre des sanctions tarifaires record sur près de 7,5 milliards de dollars de biens et services de l’Union européenne, qui a immédiatement menacé de riposter en cas de nouveaux droits de douane américains.

Il s’agit de la sanction la plus lourde jamais accordée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les États-Unis avaient réclamé la possibilité d’aller jusqu’à 10,56 milliards de dollars par an.

Le feu vert de l’OMC ne préjuge toutefois pas de la décision des États-Unis d’imposer ou non ces sanctions, en totalité ou en partie, sous la forme de surtaxes sur une vaste gamme de biens et services européens.

La Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a immédiatement réagi en affirmant qu’en cas de nouveaux droits de douane américains, « l’UE n’aura pas d’autre option que de faire la même chose ». Elle a toutefois réitéré sa « volonté de trouver un règlement équitable » avec les États-Unis.

À Paris, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a prévenu que les États-Unis feraient « une erreur économique et politique » s’ils décidaient d’imposer des sanctions tarifaires, et a appelé à une « résolution à l’amiable », surtout « au moment où la Chine renforce son industrie aéronautique ».

Le PDG d’Airbus Guillaume Faury a également appelé à une « solution négociée » dans ce conflit vieux de 15 ans qui oppose Airbus à Boeing par le biais de Bruxelles et Washington.

Dans un communiqué, le constructeur américain Boeing a déclaré qu’« Airbus peut aujourd’hui encore éviter entièrement ces mesures tarifaires en se conformant pleinement à ses obligations ». « Nous espérons que ce sera enfin le cas », a-t-il ajouté.

Dans une procédure miroir, l’OMC devrait au printemps autoriser l’UE à imposer elle aussi des droits de douane en réaction à des subventions indues versées par le gouvernement américain à Boeing.

Les sanctions pourraient être en place d’ici la fin du mois, si les États-Unis en font officiellement la demande auprès de l’OMC.

À moins d’un mois du Brexit, le Royaume-Uni a déclaré dans un communiqué qu’« il ne devrait pas faire l’objet » d’éventuelles sanctions américaines contre l’UE et a indiqué qu’il cherchait à obtenir de l’OMC la confirmation qu’il était en conformité avec les règles de l’OMC, dans l’affaire Airbus.

Décision à venir

La décision annoncée mercredi par l’OMC s’inscrit dans le cadre d’un litige sur des aides versées au constructeur aéronautique européen, par la France, l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni. L’OMC a jugé illégales certaines de ces aides.

Depuis, l’UE estime avoir mis ses aides en conformité avec les règles du commerce international, et a obtenu auprès de l’OMC qu’un nouveau groupe d’experts se penche sur la question. Aucune décision n’est attendue avant la fin de l’année.

Les États-Unis ont jugé de leur côté que l’UE ne s’était pas mise en conformité et avait réclamé à l’OMC de fixer un montant de sanctions.

Selon la décision rendue mercredi par l’Arbitre de l’OMC, « les États-Unis peuvent […] demander à l’Organe de règlement des différends (de l’OMC, NDLR) l’autorisation de prendre des contre-mesures à l’égard de l’Union européenne et de certains de ses États membres, pour un montant ne dépassant pas, au total, 7 496 623 millions par an ».

La bataille juridique entre Airbus et Boeing devant l’OMC a débuté il y a 15 ans, lorsque Washington a déclaré caduc un accord américano-européen de 1992 régissant les subventions dans le secteur aéronautique.

Les États-Unis ont tiré les premiers en 2004, accusant le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Espagne d’accorder des subventions illégales pour soutenir la production d’une série de produits Airbus.

Un an plus tard, l’UE affirmait que Boeing avait aussi reçu des milliards de dollars de subventions interdites de la part de diverses branches du gouvernement américain.

Les deux affaires se sont ensuite emmêlées dans un bourbier juridique, chaque partie ayant partiellement obtenu gain de cause après une longue série d’appels et de contre-appels.