« Une des quatre priorités du patron d’Airbus aujourd’hui, c’est l’A220 », a confié hier ledit patron, Guillaume Faury lors d’une rencontre avec la presse montréalaise.

En poste depuis avril 2019, le grand patron de la multinationale européenne se dit jusqu’à présent assez satisfait des progrès en ce qui concerne l’objectif numéro un fixé depuis la prise de possession de l’A220 : la baisse des coûts.

Il a d’ailleurs chiffré cet objectif, jusque-là assez flou, en évoquant une cible de 20 % sur trois ans. L’entreprise s’était jusqu’ici toujours limitée à parler de réduction « dans les deux chiffres ».

« Ce qu’on peut dire après un an, c’est qu’on est sur la trajectoire qu’on s’était définie, a indiqué M. Faury. En termes de transformation du programme, de retournement pour en faire un programme qui gagne de l’argent, qui peut investir pour le futur, l’équipe a fait en 15 mois ce qu’on espérait avoir fait au bout de 15 mois. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Philippe Balducchi, président d’Airbus Canada (à gauche), et Guillaume Faury, président d’Airbus

La production de l’appareil s’est elle aussi accélérée au rythme prévu. L’entreprise prévoit toujours livrer 45 appareils A220 en 2019, comme elle l’avait annoncé au début de l’année. L’année 2018 s’était soldée par la livraison de 33 appareils, un seuil qu’elle aura à peu près atteint dès la fin du mois de septembre cette année.

Cela a notamment été rendu possible par l’embauche de 700 travailleurs supplémentaires depuis la prise de contrôle d’Airbus, le 1er juillet 2018, portant le total à environ 2700.

Le président d’Airbus Canada, Philippe Balducchi, a par ailleurs confirmé qu’Airbus allait récupérer l’espace actuellement loué à Bombardier pour l’assemblage des avions régionaux CRJ dès la fin de la production de ceux-ci, prévue pour l’an prochain. C’est là que sera établie la chaîne de préassemblage dont rêve Airbus depuis les premiers jours de son arrivée dans le programme A220.

Concentré sur l’A220

L’arrivée d’Airbus et la montée en cadence de l’A220 ont commencé à faire rêver dans la région de Mirabel, où l’expression « mini-Toulouse », en référence à la ville française où se trouvent les plus grandes installations d’Airbus, est devenue fréquente.

Chaîne d’assemblage de l’ultra populaire A320, de satellites ou encore d’avions de chasse, les espoirs, portés par l’entreprise elle-même dans les deux derniers cas, se sont multipliés depuis à peine 15 mois.

M. Faury a toutefois modéré ceux-ci, hier.

« Il faut réussir l’A220, a-t-il commencé par rappeler. Pour l’instant, c’est ce qui est en train de se passer. Après, on sera ravis d’avoir d’autres opportunités. Les opportunités commencent par du rêve. Mais à court terme, c’est l’A220 qui est ici. »

La montée en cadence de l’A320, a-t-il précisé, ne passera pas par l’ajout d’un nouveau site de production. Quatre usines situées en France, en Allemagne, en Chine et aux États-Unis assemblent déjà des appareils A320, dont le rythme de production est actuellement de 60 par mois.

Quant à la possibilité d’assembler des avions de chasse, elle est disparue avec le retrait d’Airbus du processus d’appel d’offres du gouvernement canadien, il y a quelques semaines. Ce qui ne veut pas dire que l’entreprise ne s’intéresse pas éventuellement à d’autres projets militaires canadiens.

« On pense que notre présence au Canada avec l’A220 accroît notre visibilité, le niveau de confiance ou de connaissance mutuelle avec le ministère de la Défense et les gouvernements. Donc on pense dans la durée. Même si cette opportunité-là passe, il y en aura d’autres. »

Tous les partis favorables à une stratégie nationale

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

De gauche à droite : Neil Drabkin, du Parti conservateur du Canada, Marc Garneau, du Parti libéral du Canada, Alexandre Boulerice, du Nouveau Parti démocratique, et Gabriel Ste-Marie, du Bloc québécois

Libéraux, conservateurs et néo-démocrates ont tous exprimé hier l’intention, s’ils étaient élus le 21 octobre prochain, de réfléchir à la création d’une stratégie nationale en aéronautique, répondant ainsi à une demande formulée tant par les entreprises que par les syndicats de cette industrie.

L’ancien premier ministre du Québec Jean Charest animait hier une discussion regroupant des représentants de quatre partis fédéraux, devant un parterre de représentants de l’industrie aéronautique. M. Charest a présenté en juin dernier Vision 2025, un document produit pour le compte de l’Association des industries aérospatiales du Canada (AIAC), dans lequel il suggère entre autres la création d’une telle stratégie.

Neil Drabkin, du Parti conservateur, le ministre fédéral des Transport sortant et candidat libéral Marc Garneau, Alexandre Boulerice du NPD et Gabriel Ste-Marie du Bloc québécois ont tous donné leur appui à la création d’une telle stratégie.

« En ce moment, il y a un manque de cohésion, a observé M. Boulerice. Il y a des programmes, il y a des politiques, il y a des mesures, mais la plupart du temps, c’est pour faire face à une crise, c’est du cas par cas. »

« On a besoin d’avoir une politique de l’aérospatiale, plutôt que de répondre à la pièce quand certains enjeux sont soulevés », a renchéri M. Ste-Marie, du Bloc québécois.

De son côté, Marc Garneau a dit que la création d’une stratégie était « quelque chose [que les libéraux regardent] sérieusement », tout en rappelant qu’une telle stratégie avait justement été mise en place par son gouvernement en ce qui a trait au sous-secteur de l’espace.

Le représentant conservateur a pour sa part reconnu que « vu les défis auxquels nous devons faire face, il est temps de commencer à parler sérieusement de ce secteur de l’industrie », après avoir remarqué qu’il « semble qu’on a une stratégie pour tout au Canada, mais pas pour l’aérospatiale ».

M. Drabkin a toutefois surtout insisté sur la nécessité de régler au plus vite le dossier du remplacement des chasseurs F-18 canadiens, un processus qui fait actuellement l’objet d’un appel d’offres.

Il a aussi établi un lien entre l’avancement du secteur aéronautique et la situation des immigrants se présentant au Canada par le chemin Roxham. Les ressources fédérales affectées au traitement de ces demandes d’immigration, a-t-il déploré, ne sont pas disponibles dans les ambassades à l’étranger pour accélérer la venue de travailleurs qualifiés.

Ton différent

Au terme de la discussion, M. Charest a admis qu’il aurait probablement été plus ardu de parvenir à une telle unanimité sur scène si l’événement avait eu lieu à Calgary, où toute aide fédérale à une industrie fortement associée au Québec est mal perçue et difficile à vendre, d’un point de vue politique.

« Le ton aurait été différent », croit-il.

L’industrie aéronautique, avait-il précédemment déploré, doit se défaire d’une mauvaise image de bénéficiaire des fonds publics, alors que, dit-il, la grande majorité de cette aide vient sous forme de prêts qui sont remboursés par les entreprises.

Il s’est néanmoins réjoui de voir tous les partis, même le Bloc québécois qui ne sera évidemment pas appelé à créer lui-même cette stratégie, se rallier à sa demande.

« Par expérience, sur ces sujets-là, plus les partis s’entendent, plus il y a de chances de faire avancer les choses. »