Face à des actionnaires insatisfaits qui demandent des changements – notamment la vente du fabricant montréalais de robinetterie industrielle –, la direction de Velan a entrouvert la porte. Elle dit envisager plusieurs options, mais refuse de préciser lesquelles.

L’ambiance était à la réflexion hier après-midi au Club Saint-James, où étaient réunis des dizaines d’actionnaires en assemblée annuelle.

Après les procédures administratives habituelles et des précisions par le PDG Yves Leduc au sujet du plan de transformation de l’entreprise, la période de questions s’est ouverte.

« C’est assez ! Je suis très inquiet », a lancé l’actionnaire Stéphane Dubeau, de la firme Dubeau Capital. « La transformation de Velan prend du retard. La marge de manœuvre est très serrée. La situation est périlleuse. Quel est le plan B ? Les administrateurs indépendants ont délaissé leur rôle de protection des actionnaires depuis quatre ou cinq ans. Je demande officiellement une révision stratégique. »

Le président du conseil d’administration, Tom Velan, a répondu que le conseil agissait dans les intérêts supérieurs de l’entreprise. « Nous n’allons pas vous révéler ce qu’est le plan B. Nous avons des discussions sur plusieurs choses, mais nous ne pouvons en faire part. »

Le gestionnaire de portefeuille Stephen Takacsy, chez Gestion Lester, a lui aussi invité la direction à mettre l’entreprise en vente.

« Il est inapproprié d’avoir cette conversation ici », a répliqué l’administrateur en chef, Bill Sheffield. « Mais votre idée est une idée que nous garderons en tête, peu importe ce qu’il arrive », a-t-il tout de même ajouté.

La question que les administrateurs doivent se poser est la suivante, a repris Stéphane Dubeau : « Est-ce mieux pour toutes les parties prenantes de réaliser le plan de transformation ou d’avoir du succès en faisant partie d’un gros conglomérat ? […] Ne serait-il pas mieux pour la famille également de faire partie d’un plus grand conglomérat ? Il n’y a rien de mal à ça. »

Soyez ouverts d’esprit. C’est la même chose chaque année. Vous vous accrochez. C’est risqué. On ne connaît pas l’avenir. Ça pourrait devenir plus difficile. L’économie peut ralentir.

Stéphane Dubeau, actionnaire

Un porteur d’actions individuel a de son côté suggéré de fermer le capital. « Pourquoi l’entreprise est-elle encore inscrite en Bourse, compte tenu des coûts qui y sont associés, des rapports trimestriels à produire et de la pression que ça impose aux dirigeants ? »

Des actionnaires ont aussi proposé que Velan recommence à racheter des actions en soulignant que même un petit nombre d’actions rachetées aurait un impact positif.

« Nous avons des discussions à propos de l’allocation du capital tous les trimestres. On choisit de garder un bilan fort pendant la transformation », a dit Bill Sheffield.

« On leur pousse dans le dos pour qu’ils regardent toutes les avenues », a dit Stephen Takacsy, après l’assemblée. Ce dernier croit même que la vente d’actifs immobiliers doit être envisagée.

La famille commence à réaliser qu’elle a peut-être tenu beaucoup trop de choses pour acquises dans le passé quand le père était en poste.

Stephen Takacsy, actionnaire

« On leur ouvre les yeux un peu et ils ont la responsabilité de regarder des alternatives », dit-il, plutôt satisfait de la tournure des échanges.

Un membre de la famille écarté

La famille Velan se retrouvait dans une position inconfortable, cette année à l’assemblée. Le holding familial, qui détient plus de 70 % des actions ordinaires et 93 % des droits de vote, avait proposé la candidature de trois membres de la famille pour faire partie du conseil d’administration : celles de Tom (président du conseil), de son frère Peter et de leur neveu Rob. Seuls Tom et Rob ont été élus hier.

Les administrateurs indépendants ne recommandaient pas l’élection de Peter au conseil, craignant que sa présence n’ait une incidence négative sur la transformation. Le holding familial a décidé de respecter cette recommandation au moment de voter.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Tom Velan, président du conseil d’administration de Velan

« C’est une situation très inhabituelle et douloureuse pour la famille », a souligné Tom Velan hier. Il a ajouté que la situation avait posé un « grand dilemme » pour les propriétaires du holding familial, « étant donné que Peter est un important actionnaire qui a été administrateur de l’entreprise durant plus de 40 ans ».

Tom Velan a par ailleurs assuré que la bisbille impliquant son frère Peter n’avait rien à voir avec la question d’une prise de contrôle de l’entreprise.

Début d’exercice difficile

La performance de début d’exercice présenté avant l’assemblée n’avait rien pour calmer les actionnaires militants. Le chiffre d’affaires a augmenté, mais la perte nette s’est creusée. La pression sur les marges est expliquée par une combinaison de facteurs temporaires et non récurrents (retards de livraisons), et plus structurels (expédition de commandes techniquement plus complexes).

La performance des opérations nord-américaines devrait s’améliorer à mesure que le carnet de commandes de l’an passé sera remplacé par des commandes reflétant une rigueur accrue dans la sélection et la tarification, selon le PDG, Yves Leduc.

L’impact le plus important des initiatives de transformation n’est toutefois prévu que vers la fin de l’an prochain, lorsque la tâche de réorganisation et de réduction de l’empreinte manufacturière sera achevée. Velan avait notamment annoncé en janvier la fermeture d’une de ses deux usines montréalaises « d’ici 12 à 24 mois ».