(Montréal) La demande pour l’A220 devra être au rendez-vous pour qu’Airbus puisse prendre sous son aile des travailleurs de Bombardier qui pourraient se retrouver sans gagne-pain d’ici à ce que la production des CRJ ne cesse.

Après un an aux commandes du programme de l’avion initialement développé par Bombardier, Airbus prend ses aises avec Mirabel où son empreinte s’agrandit alors que le géant européen souhaite accélérer la cadence de production de l’ancienne CSeries.

La Société en commandite Airbus Canada compte quelque 2500 employés dans les Laurentides. En dépit des ambitions du géant européen, cela ne veut pas dire qu’il y aura de la place pour tous les employés du CRJ dont l’avenir semble plus incertain.

«La montée en cadence dépend du marché, a expliqué le chef d’Airbus Canada, Philippe Balducchi, au cours d’une entrevue téléphonique. La montée en cadence dépend de notre marché, de notre capacité industrielle et de celle de nos fournisseurs. On peut espérer que l’on pourra participer à récupérer cette main-d’œuvre qui est qualifiée.»

En confirmant la vente des CRJ à Mitsubishi, la semaine dernière, Bombardier a indiqué que 1200 des 1600 personnes affectées à ce programme se retrouveront dans le giron du géant nippon.

Quelque 400 personnes de Mirabel liées à ce programme risquent toutefois de devoir se trouver du travail lorsque la production des 42 jets régionaux figurant au carnet de commandes sera terminée, l’an prochain.

S’il faut recruter des employés, M. Balducchi a souligné qu’il était «naturel» pour Airbus de se tourner vers des travailleurs expérimentés dans «l’assemblage d’avions».

«Mais il faut que la demande soit là, et aujourd’hui, je ne peux pas vous dire si elle sera là et à quel niveau elle se situera», a-t-il précisé, soulignant au passage que l’industrie aéronautique québécoise était confrontée à un problème de rareté de main-d’œuvre, ce qui est rassurant pour les employés du CRJ.

Du pain sur la planche

L’A220 a bien fait au Salon international de l’aéronautique du Bourget, en France, le mois dernier, avec des commandes ou lettres d’intention pour 95 appareils. Selon Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, le programme compte 559 commandes fermes.

«Nous notons que la commande (pour 50 appareils) placée par Air Lease, une société américaine de location d’appareils, témoigne des atouts du programme, puisque (les avions commandés) n’ont pas encore été loués à des compagnies aériennes», a souligné l’analyste, dans une note.

S’il est satisfait des progrès réalisés au cours des 12 derniers mois, M. Balducchi estime néanmoins qu’il reste encore «beaucoup de travail à faire», puisqu’Airbus veut continuer à réduire les coûts du programme — de l’ordre de plus de 10% selon les analystes.

Le géant européen veut également s’assurer que sa chaîne de montage pour l’A220, qui est en construction à Mobile, en Alabama, soit en mesure de livrer son premier A220 l’an prochain, comme prévu.

«Nous devons réduire le nombre d’heures passées (pour l’assemblage) de chaque avion, cela fait partie de la réduction des coûts, dit M. Balducchi. Il faut aussi poursuivre les discussions avec les fournisseurs. Cela s’est fait avec certains, mais il faut aller plus loin.»

Pas de prévision

Est-ce que les progrès réalisés par Airbus sont suffisants pour permettre de dire que le gouvernement du Québec, qui a injecté 1,3 milliard dans la CSeries, pourra récupérer son investissement au 30 juin 2023, lorsque sa participation de 16,44% pourra être rachetée?

Interrogé sur cette question, M. Balducchi n’a pas voulu s’avancer.

«Moi, je ne peux rien garantir, a-t-il dit. Ce que je peux garantir, c’est que l’on travail du mieux que l’on peut. (L’évaluation du programme), cela va dépendre de l’évolution du marché. Je pense que tous les ingrédients sont là pour que le programme réussisse.»

En décembre dernier, le rapport des comptes publics relevait que la valeur de l’investissement québécois, en date du 30 septembre dernier, avait fondu de 170 millions.

M. Poirier, qui estime que la participation de 33,55% détenue par Bombardier dans l’A220 vaut actuellement 2 milliards US, croit que cette valeur pourrait grimper d’ici 2026 — quand il sera possible de racheter la part de la compagnie.

«En supposant que l’A220 atteigne une production de 14 avions par mois (168 livraisons par année), à ce moment-là, avec une amélioration de la rentabilité grâce aux réductions de coûts, nous nous attendons à ce que la valeur augmente avec le temps au-delà des 2 milliards US que nous extrapolons actuellement», a écrit l’analyste.

Même si Québec devrait quitter la société en commandite plus tôt que Bombardier, la valeur de sa participation pourrait s’apprécier si Airbus parvient à atteindre ses cibles.