(New York) Le laboratoire pharmaceutique américain Abbvie va débourser 63 milliards de dollars pour s’emparer du fabricant du Botox Allergan, une transaction qui reflète la course à la taille à coups de fusions-acquisitions dans un secteur bousculé par les génériques et les biotechs.

Ce mariage va donner naissance à un groupe générant environ 48 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel et présent dans 175 pays, avec un portefeuille de médicaments comprenant notamment le Botox et Humira, traitement contre la polyarthrite rhumatoïde et considéré comme le plus vendu au monde. Pfizer, le numéro 2 mondial de la pharmacie, a enregistré des revenus de 53,6 milliards de dollars en 2018.

Il traduit le retour des grandes manœuvres dans le secteur de la pharmacie au moment où il y a des pressions politiques pour une baisse des prix des médicaments aux États-Unis. Lundi, la Maison-Blanche a signé un décret demandant aux laboratoires pharmaceutiques de dévoiler le prix du médicament dans chaque spot publicitaire vantant ses mérites.

En janvier, l’américain Bristol-Myers Squibb a annoncé racheter son compatriote Celgene pour 74 milliards de dollars, tandis que le japonais Takeda Pharmaceutical a finalisé le rachat du britannique Shire pour 48 milliards.  

En mettant la main sur Allergan, Abbvie espère réduire sa dépendance vis-à-vis d’Humira dont le déclin des ventes est attendu car ses brevets vont tomber prochainement dans le domaine public et les traitements concurrents ont émergé, à l’instar de Kevzara (sarilumab) développé par le laboratoire français Sanofi.

Allergan, domicilié fiscalement en Irlande, est principalement connu pour l’anti-rides Botox mais l’entreprise développe également plusieurs autres produits dermatologiques ainsi que des médicaments pour le traitement des maladies des voies urinaires ou de la mucoviscidose.

Il est également numéro 2 mondial dans l’ophtalmologie avec ses traitements du glaucome, de la sécheresse oculaire et des maladies de la rétine. Un des plus rentables est le Restasis, un remède contre les yeux secs.

Le mariage avec Abbvie assure une sortie honorable aux actionnaires d’Allergan, qui ont vu le titre plonger en Bourse depuis le sommet des 340 dollars atteints en 2015, période au cours de laquelle Allergan était l’objet de multiples marques d’intérêt.

Fusion avortée avec Pfizer

L’action ne s’est jamais remise de la fusion à 160 milliards de dollars avec Pfizer avortée en 2016 à cause de l’opposition de l’administration Obama. Le PDG Brett Saunders était ainsi sous la pression du financier et investisseur activiste américain David Tepper pour scinder l’entreprise.

Mardi, le titre bondissait de plus de 31 % à 170,10 dollars vers 14 h 35 GMT dans les échanges électroniques de pré-séance. L’action Abbvie, elle, chutait de près de 9 %.

Les détails financiers prévoient qu’Abbvie verse 188,24 dollars par action Allergan, dont 120,30 dollars en numéraire et le solde en actions. L’offre constitue une prime de 45 % pour les actionnaires d’Allergan comparé au cours de clôture du titre lundi à Wall Street.

Abbvie va également hériter de la dette de 24 milliards de dollars d’Allergan.

La fusion Abbvie-Allergan devrait générer une trésorerie de 19 milliards de dollars, affirme Abbvie, qui entend l’utiliser pour rembourser la dette qu’il va contracter pour financer la transaction.

Elle devrait générer, selon le marié, au moins 2 milliards de dollars de synergies et d’autres réductions de coûts dans la troisième année de sa finalisation. Près de la moitié des économies viendrait des coupes dans la recherche et développement (R&D) et le reste des dépenses opérationnelles (frais généraux, réductions des coûts de logistique et de production…).

Le nouveau groupe restera fiscalement domicilié aux États-Unis, notamment dans l’État du Delaware (nord-est), a précisé Abbvie, ajoutant que son PDG Richard Gonzalez allait continuer de diriger la nouvelle entité. Brett Saunders, le patron d’Allergan, sera lui membre du conseil d’administration.

Le mariage devrait être célébré début 2020 après le feu vert des autorités de la concurrence, qui vont sans doute examiner de près cette union même si les deux groupes pharmaceutiques ne sont pas présents dans les mêmes domaines thérapeutiques.

Bristol-Myers Squibb a par exemple fait savoir lundi qu’il avait accepté de céder le médicament Otezla contre le psoriasis, propriété de Celgene, dans l’espoir d’obtenir l’approbation des régulateurs à leur fusion.