Le nouveau président de Michelin, Florent Menegaux, était de passage à Montréal cette semaine, à peine trois semaines après son entrée en fonction, dans le cadre de la conférence sur la mobilité Movin’On, dont Michelin est à l’origine. La Presse en a profité pour l’interroger sur l’avenir de cette entreprise ainsi que sur celui de Camso, le fleuron de Magog qu’elle a acquis l’été dernier.

Vous avez acheté Camso il y a un an pour 1,45 milliard US. Comment se déroule son intégration ?

Ça se passe très bien. Nous avons d’ailleurs profité de Movin’On, des équipes sont venues de Clermont-Ferrand [siège social de Michelin, en France] chez Camso pour mieux voir et comprendre.

Nous avons doublé de taille dans le hors-route grâce à Camso. Et ils nous apportent une très grande complémentarité de produits. Ils sont spécialisés dans les pneus pleins, offre que nous n’avions pas, et les chenillettes, pour le monde agricole ou la motoneige. C’est une activité qui nous intéressait, mais pour laquelle nous n’avions pas d’expertise.

Pour nous, Camso, c’est d’abord un très grand fit culturel, proche de nous, qui a un contenu technologique important, qui est très spécialisée et qui vend de la valeur. C’est ce que fait Michelin aussi.

Dans la division hors route, une entité opérationnelle sur deux, par exemple l’agricole, les sports motorisés, la construction, etc., est dirigée par quelqu’un de Clermont-Ferrand, l’autre par quelqu’un de Camso.

La conférence Movin’On est « créée et inspirée » par Michelin. Pourquoi vous intéresser comme cela aux transformations dans l’industrie de la mobilité ? Ce n’est pas vous qui allez lancer la voiture intelligente. Qu’est-ce que vous y gagnez ?

Notre idée, c’est de promouvoir une conception de la mobilité. De dire qu’on veut plus de mobilité, avec moins d’impact. Jusqu’à présent, ce qui s’est passé, c’est que le monde a fait plus de mobilité, avec plus d’impact. Nous sommes absolument convaincus que la mobilité est un vecteur de progrès pour l’humain. Aujourd’hui, il y a une tendance à dire : « S’il y a plus d’impact, on va faire moins de mobilité. » Mais pour nous, s’il y a moins de mobilité, il y aura moins de progrès.

Est-ce une stratégie défensive ? Si tout le monde reste confiné à la maison, il ne se vendra plus de pneus.

C’est tout à fait l’inverse, en fait. Si on dit que la mobilité est bonne pour le développement humain, mais que par ailleurs elle tue, parce qu’il y a trop de pollution, parce qu’il y a trop d’accidents, parce qu’il y a trop d’embouteillages, etc., ce sont des externalités négatives liées aux pneus. C’est ça qu’on veut chasser. Nous voulons avoir des externalités positives.

Comment voyez-vous votre avenir comme fabricant de pneus dans ces tendances futures de la mobilité ?

Il y a un truc très simple : sur Terre, il y a de la gravité. Et pour s’en affranchir, on consomme énormément d’énergie. Je crois qu’il y aura du développement d’objets volants, mais la gravité sera toujours là. Ça veut dire qu’il y a toujours un très grand avenir pour les objets qui sont sur la terre, et la meilleure interface qui puisse exister, c’est un pneumatique, peu importe sa forme.

On a senti au cours des dernières années des efforts de diversification, mais vous restez à la base un fabricant de pneus. Est-ce qu’il y a une volonté de s’étendre ailleurs ?

Pour moi, ce n’est pas de la diversification, c’est de l’exploitation de savoir-faire déjà existant chez Michelin dans d’autres domaines que le pneu. Il y a trois grands domaines autour du pneu que nous n’avons pas assez exploités.

Le premier, c’est les services et les solutions pour les utilisateurs professionnels de nos produits. Ça existe déjà dans notre groupe depuis très longtemps, c’était petit, ça va devenir très gros.

L’autre chose que l’on fait, c’est aider les gens dans leurs déplacements. On a développé les premières cartes au monde, les premières bornes, les premiers poteaux indicateurs, etc. Petit à petit, notre activité de guides s’est spécialisée et nous sommes devenus des experts de la sélection gastronomique, de la sélection des beaux endroits. Cette activité-là n’est pas assez internationale, pas assez développée. C’est un savoir-faire unique de notre groupe et ça va se développer fortement.

Le troisième axe, c’est d’utiliser notre savoir-faire pour faire cohabiter les 200 composants d’un pneu dans d’autres produits. Il y a d’autres marchés très intéressants : des courroies, des joints, des tissus pour renforcer le corps humain, etc.

Revenons au pneu lui-même, pour lequel vous continuez d’essayer d’innover, comme on l’a vu cette semaine avec un pneu sans air. Quels sont les problèmes des pneus actuels que vous souhaitez corriger ?

Il y a toujours des questions d’adhérence. On peut toujours améliorer la sécurité et la tenue de route.

On peut aussi améliorer la polyvalence, la capacité à travailler dans tous les temps. À Montréal, c’est intéressant. Pour résoudre ce problème-là aujourd’hui, vous changez de pneus. Demain, vous irez recharger. La semaine où il n’y a pas de neige, vous allez charger une gomme d’été, celle où il y en a, une gomme d’hiver. Demain, aussi, le pneu parlera à la voiture.