(Shenzhen) Au siège de Huawei, un gigantesque complexe avec terrains de sport et répliques kitsch de bâtiments européens, les employés du géant chinois des télécoms affichent leur confiance face aux pressions de Washington. Mais, en coulisse, certains avouent n’être pas aussi zen.

Le leader mondial de la 5G fait face à des poursuites judiciaires aux États-Unis, à une coupure de son accès aux technologies américaines et à des menaces sans précédent visant ses activités à l’étranger.

Des défis de nature à provoquer peur et colère parmi les employés du numéro deux mondial des téléphones intelligents. Mais, au siège du groupe à Shenzhen (sud), c’est l’indifférence ou la défiance qui prédominent.

« On n’est pas vraiment inquiets. Huawei est une grosse entreprise et a déjà relevé de nombreux défis par le passé », déclare à l’AFP M. Zhang, un technicien qui ne souhaite pas révéler son prénom.  

« Désolé, je dois y aller », ajoute-t-il dans un anglais parfait, alors que ses collègues et lui s’apprêtent à disputer un match de basketball endiablé sur l’un des terrains de l’énorme complexe de bureaux.

PHOTO HECTOR RETAMAL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des employés jouent au basketball au siège social de Shenzhen.

Sur un mur est placardé un slogan qui paraît résumer l’état d’esprit au sein du groupe : « Pas de réussite sans ami. Pas de triomphe sans ennemi. »

Celui de Huawei : Washington, qui a lancé une campagne mondiale contre le géant des télécoms pour l’empêcher de dominer le secteur de la 5G – la cinquième génération de réseaux mobiles.

L’immensité et la modernité du siège du groupe donnent une idée de la puissance financière et des ambitions d’une entreprise qui est loin de s’avouer vaincue face à Donald Trump.

Versailles et bungalows

Les employés pointent via une application mobile, mangent dans d’immenses cafétérias proposant de la cuisine du monde entier et circulent sur le site à bord de navettes gratuites.

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Un travailleur se fait servir son repas dans l'une des cafétérias installées sur le site.

Tours de verre, laboratoires de recherche et centres de formation côtoient les bureaux des dirigeants – des espèces de bungalows nichés au sein d’une végétation luxuriante, au bord d’un étang où batifolent des cygnes noirs.

À Dongguan, au nord du site principal, les locaux semblent inspirés de Disneyland.

Les employés se déplacent à bord d’un train rouge à vapeur entre différents quartiers, parsemés de répliques de bâtiments médiévaux inspirés de Versailles, Vérone ou Heidelberg.

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Des employés se promènent dans la section Paris du campus de Dongguan.

Mais l’inquiétude n’est pas absente de ce cadre idyllique.

Des employés confient à l’AFP être de plus en plus occupés à rassurer les clients. Et, sur le forum intranet du groupe, certains s’interrogent sur les conséquences potentielles pour leur emploi.

Cependant, devant la presse, la plupart affichent leur confiance.

« On ne ressent pas de gros changement. On suit l’actualité, bien sûr, et nos dirigeants la commentent », explique Jiang Danyan, un responsable marketing. « Mais notre mission, c’est de bien faire notre travail et de garder la confiance des clients. »

Donald Trump affirme que les équipements de Huawei pourraient être utilisés par les services de renseignements chinois afin d’espionner les communications d’autres pays.  

« C’est vous le problème »

Impensable pour M. Jiang : « On n’y croit pas. Les gens ici sont simples et honnêtes et ne feraient jamais ce dont les accusent les États-Unis, comme coopérer avec le gouvernement ».

Le sujet reste sensible et plusieurs membres du personnel ont refusé des demandes d’entrevue lors d’une visite de journalistes de l’AFP.

« Notre directeur nous a dit de ne pas en parler, que c’était aux supérieurs de s’en occuper », déclare une employée.  

« Ils nous ont dit aussi que c’était vous le problème », dit-elle en référence à la couverture médiatique de la presse étrangère.

D’autres laissent pointer leur inquiétude.

« Tout cela aura un impact [sur Huawei]. C’est inévitable », déclare un technicien en train d’avaler un bol de nouilles dans une cafétéria.

Un collègue vêtu d’un t-shirt Star Wars juge que la crise renforce la solidarité au sein de Huawei.

« Notre entreprise s’est construite à partir de zéro et ce n’est pas la première menace à laquelle elle fait face », explique-t-il. « On continuera à se battre. »