Malgré les apparences, la fusion annoncée entre Transat et Air Canada ne devrait pas créer de situations anticoncurrentielles, estime l’analyste de la Financière Banque Nationale Cameron Doerksen, selon qui elle va donc se matérialiser.

Dans une note publiée jeudi, M. Doerksen et ses collègues décortiquent un à un les possibles arguments selon lesquels le regroupement des deux transporteurs établis à Montréal pourrait mener à des risques pour les consommateurs et interpeller le Bureau de la concurrence, du moins en ce qui a trait au marché transatlantique.

D’abord, si elles détiendraient ensemble environ 60 % de la capacité sur l’ensemble de l’Europe l’été prochain, 10 fois plus que le plus proche concurrent Lufthansa, selon ses données, Air Canada et Transat ne seraient pas seules pour autant, rappelle-t-il.

De nombreux concurrents

WestJet, qui a des visées sur l’Europe avec l’addition à sa flotte de 10 appareils 787 de Boeing et une option sur 10 autres, « deviendra rapidement un concurrent bien plus important sur le marché transatlantique », croit-il, en particulier si l’entreprise peut augmenter ses partages de codes avec Air France-KLM ou devenir membre d’une coentreprise.

Des concurrents européens font aussi partie du portrait, notamment des transporteurs concentrés sur le marché touristique comme Level, Corsair, Norwegian, Icelandair et Aer Lingus.

« Nous voyons leur croissance comme un contrepoids au pouvoir d’Air Canada-Transat sur les prix, surtout dans les grandes villes canadiennes », juge-t-il. Et c’est sans oublier les géants traditionnels comme Air France-KLM ou British Airways, « que rien n’empêche d’ajouter de la capacité vers le Canada ».

Destinations exclusives

D’aucuns ont soulevé l’existence de destinations pour lesquelles Air Canada et Transat sont les deux seuls transporteurs offrant des vols directs. Il y en a 11, a calculé M. Doerksen, dont 7 à partir de Montréal (Athènes, Bordeaux, Bruxelles, Lyon, Marseille, Nice et Venise).

Selon lui, la plupart de ces destinations sont des marchés secondaires qui pourraient difficilement supporter un autre concurrent et où la concurrence en soi est relativement récente.

« Presque toutes ces routes font face à une concurrence provenant de vols avec escale de transporteurs européens, et dans certains cas américains avec escale aux États-Unis, de telle sorte qu’Air Canada-Transat n’y aurait pas de pouvoir monopolistique sur les prix. »

— Cameron Doerksen, analyste de la Financière Banque Nationale

À l’opposé, certains pourraient envisager des problèmes dans les marchés où un aéroport surchargé empêche l’arrivée d’un nouveau concurrent, faute de plages horaires.

Mais que ce soit sur Toronto-Londres ou Montréal-Paris, les deux plus importantes liaisons transatlantiques impliquant le Canada, où la nouvelle entité disposerait respectivement de 68 % et 44 % de la capacité, il y aurait encore des possibilités de concurrence, notamment par le truchement des aéroports secondaires, estime-t-il. Fait à noter, le corridor Montréal-Paris est actuellement dominé par Air France, qui offre 40 % de la capacité, alors qu’Air Transat et Air Canada se contentent de 22 % chacune.

Le dernier risque évalué par M. Doerksen est celui d’une trop grande concentration des vols des aéroports de Montréal et de Toronto (Pearson) entre les mains d’Air Canada-Transat.

« S’il devait être déterminé que la nouvelle entité contrôlera trop de plages horaires et de portes à l’un ou l’autre de ces aéroports, une solution potentielle pourrait être de s’assurer que plus de plages et d’espace sont rendus disponibles aux concurrents », croit-il.