L’incertitude économique qui persiste au Royaume-Uni en raison du Brexit a probablement aidé Saputo à avaler la britannique Dairy Crest Group, selon le président et chef de la direction de la multinationale québécoise, Lino Saputo fils.

À son avis, ce contexte, combiné à d’autres vents de face qui soufflent sur l’industrie laitière dans le monde, a pesé sur le cours de l’action de cette société, qui est devenue, lundi, la plus récente prise de Saputo.

« En examinant l’ensemble des activités, nous avons vu que 100 % du lait est acheté au Royaume-Uni et que 97 % des produits sont vendus dans ce pays, alors il n’y a pas vraiment d’impact immédiat du Brexit, a dit M. Saputo au cours d’une conférence téléphonique. Et ça peut-être que le marché ne l’a pas assez bien compris. »

L’homme d’affaires faisait le point sur cette transaction de 1,7 milliard CAN annoncée en février et confirmée lundi permettant à Saputo de remettre officiellement les pieds en Europe. La société établie à Montréal avait offert 620 pence pour chaque action de Dairy Crest, dont le titre s’était transigé bien en deçà ce niveau — parfois sous la barre de 500 pence — dans la dernière année, sur le parquet de la Bourse de Londres.

Fondée en 1981, la compagnie britannique compte 1100 employés répartis dans sept sites au Royaume-Uni. L’entreprise fabrique et met en marché du fromage, du beurre, de la tartinade et de l’huile, ainsi que des ingrédients laitiers à valeur ajoutée. Le 1er avril dernier, 96,5 % des actionnaires de Dairy Crest avaient voté en faveur de l’offre de Saputo.

« C’est une acquisition transformationnelle, car elle nous offre l’occasion d’être dans un nouveau marché en plus de mettre la main sur des marques très, très fortes », a observé M. Saputo.

Après avoir mis les pieds sur le Vieux-Continent en 2006, Saputo avait pris la décision de se retirer du marché européen en 2013 en mettant la clé sous la porte de ses usines spécialisées dans la production de fromages en Allemagne et au Royaume-Uni.

Pour la période de six mois terminée le 30 septembre dernier, les recettes de Dairy Crest oscillaient aux alentours de 391,8 millions CAN alors que le profit après impôt était approximativement de 25,3 millions CAN.

Saputo a pris de grosses bouchées au cours des dernières années, effectuant une percée dans le marché australien en 2014 grâce à l’acquisition de Warrnambool Cheese & Butter. Une offre de 1,3 milliard CAN pour la coopérative australienne Murray Goulburn avait ensuite été acceptée en avril 2018.

Cela a fait grimper son niveau d’endettement, qui est supérieur à trois fois le bénéfice d’exploitation ajusté, alors que sa cible est de deux fois le bénéfice d’exploitation ajusté. Il faudra probablement plus de trois ans à Saputo pour revenir à ce niveau.

Ainsi, si l’entreprise — qui exerce aussi ses activités au Canada, aux États-Unis et en Argentine — a toujours de l’appétit pour des acquisitions, elle pourrait toutefois ralentir la cadence afin d’éviter une indigestion tout en continuant d’ouvrir l’œil.

« Parce que nous sommes dans une si bonne position, nous continuerons d’être extrêmement sélectifs, a dit M. Saputo. Le niveau de discipline sera encore plus élevé. Le prix d’achat sera la clé. »

En raison d’une augmentation du niveau d’endettement, l’agence de notation Moody’s avait décidé, en février dernier, de revoir la note de crédit de Saputo en vue d’une révision à la baisse liée à l’annonce de Dairy Crest. Son vice-président, Peter Adu, avait indiqué que cela était attribuable à une transaction effectuée par endettement.

À la Bourse de Toronto, le titre de Saputo a clôturé à 45,99 $, en hausse de 16 cents, ou 0,35 %.