L'Office de la protection du consommateur (OPC) a accordé un permis à une nouvelle agence de voyages malgré ses liens étroits avec la défunte Sinorama, a appris La Presse.

Vacances Phénix a ouvert ses portes le lundi 5 novembre, boulevard Taschereau, à Brossard. L'agence a comme présidente et unique actionnaire déclarée Lei Gao.

Or, Mme Gao est la femme d'un des principaux actionnaires de Sinorama Corporation et de son affiliée de Paris, Sinorama Voyages (1). De plus, jusqu'au 28 juillet dernier, Lei Gao était aussi partenaire avec le grand patron de Sinorama, Hong Qian (Simon), dans une firme appelée Sinorama Immigration. L'entreprise est passée entièrement sous la tutelle de Mme Gao dans la tourmente entourant Vacances Sinorama.

Selon nos informations, plusieurs ex-employés et cadres de Sinorama travaillent aujourd'hui pour Phénix, dont Sun Peng (Léon), bras droit des fondateurs Simon Hong Qian et Wenjia Jing (Martine).

Vacances Sinorama a déclaré faillite le 12 octobre, faisant perdre plus de 45 millions aux consommateurs et aux créanciers, si l'on inclut les antennes de Toronto et de Vancouver.

Dans la mythologie, le phénix est un oiseau qui renaît de ses cendres. L'entreprise a été immatriculée le 31 juillet 2018, soit une semaine après que Vacances Sinorama a été mise sous tutelle par l'OPC, le 24 juillet, et une semaine avant qu'elle ne perde officiellement son permis, le 7 août. L'OPC a accordé un permis d'agent de voyages à Phénix le 4 septembre.

PAS DE LIENS, DIT LA PDG

Quand nous nous sommes rendus dans les locaux de Phénix, le 15 novembre, une dizaine d'employés étaient affairés, dont Léon Peng Sun. La présidente Lei Gao s'est rapidement présentée et a répondu à nos questions.

Est-ce un nouveau Sinorama ? « Non, pas du tout. Ici, c'est Phénix. Rien à voir avec Sinorama [...] C'est ma soeur qui a été inspirée par le nom Phénix, qui n'a pas rapport avec une renaissance », dit Mme Gao, qui affirme que son mari, Ming Yang, n'a pas de liens avec Phénix.

Mme Gao dit avoir travaillé en tourisme avant sa venue au Canada, il y a quelques années. Elle a été agente d'immigration à Montréal ces dernières années et elle soutient que l'entreprise Immigration Sinorama, dont elle a racheté les actions de Simon Qian le 28 juillet, n'a finalement jamais été active.

Quant au numéro de téléphone de Phénix (450 466-5888), s'il est semblable à celui qu'utilisait Vacances Sinorama (514 866-6888), c'est parce que les chiffres 6 et 8 portent bonheur aux Chinois, dit Mme Gao.

La femme d'affaires nous demande de dresser un portrait favorable de sa PME en démarrage. Les employés de Sinorama, encore tout récemment un géant dans cette industrie, viennent d'une bonne école, fait-elle valoir.

La nouvelle agence écoule ses billets grâce à des ententes avec Vacances Royal Scenic et Mandarin Holidays, deux grossistes de Toronto. L'actionnaire de Scenic - aussi appelée RSH Travel - est une firme de New York. Le site internet de Phénix propose des billets d'avion en promotion, des croisières, des voyages en Asie et des tours d'autocar en Amérique du Nord. 

À l'entrée des locaux de Phénix, boulevard Taschereau, figurent d'ailleurs des cahiers publicitaires de Royal Scenic, qui offrent une vaste sélection de forfaits pour l'Asie, entre autres.

Les prix sont bien différents de ceux qu'offrait Sinorama, cependant. Un forfait d'une douzaine de jours en Chine (en occupation double) se vend quelque 3000 $, auxquels il faut ajouter le billet d'avion Canada-Chine. En comparaison, Sinorama offrait en avril dernier un forfait semblable pour 1300 $, billet d'avion compris.

Phénix, a-t-on appris, espère obtenir un jour son numéro réglementaire de l'Association internationale du transport aérien (IATA), ce qui lui permettrait de s'affranchir de Scenic et de Mandarin.

Lors de l'assemblée des créanciers de Vacances Sinorama, le 6 novembre, nous avons tenté de poser des questions au patron Simon Qian au sujet de Phénix, mais l'homme d'affaires a passé son chemin.

Nous avons pu parler à son ex-bras droit, Léon Peng Sun, également présent à l'assemblée, mais ce dernier n'a pas voulu faire de commentaires sur Phénix, dont il est l'un des employés, avons-nous constaté subséquemment.

Le mari de Lei Gao, présidente de Phénix, est l'homme d'affaires Ming Yang. Selon nos informations, ce dernier est un partenaire de longue date de Simon Hong Qian, le grand patron de Sinorama. 

Bien que résidant du Québec, Ming Yang est notamment actionnaire à 39 % de Sinorama Voyages, de Paris, qui est toujours active (seules les activités d'autocars en Europe fonctionnent désormais, nous a toutefois indiqué la commis parisienne au téléphone).

L'actionnaire de contrôle (51 %) de cette affiliée française fondée en 2012 est Sinorama Tours, située dans le paradis fiscal de Samoa. Cette dernière est elle-même détenue par la société mère inscrite en Bourse, Sinorama Corporation.

Sinorama Corporation apparaît inactive, mais elle est toujours officiellement contrôlée par Martine Wenjia Jing, conjointe de Simon Qian. Ming Yang est l'un des actionnaires importants de Sinorama Corporation.

Il n'a pas été possible de parler à Ming Yang. Nous avons laissé un message à une commis de la boutique La Hotte Plus, une entreprise qu'administre M. Yang et qui est située dans les locaux adjacents à ceux de Phénix, maisM. Yang n'a pas rappelé.

(1) Le nom de Lei Gao figure également parmi ceux de 105 petits actionnaires de Sinorama Corporation, une entité qui était inscrite à une Bourse parallèle aux États-Unis.

L'OPC fait des vérifications sur Phénix

L'Office de la protection du consommateur (OPC) a entrepris des vérifications au sujet des liens étroits entre Vacances Phénix et la défunte Sinorama.

Le 25 octobre, l'OPC avait répondu dans un courriel à La Presse que Phénix respectait les conditions réglementaires liées au permis. Son discours avait changé le 26 novembre, lors d'une autre communication.

« Des vérifications sont en cours. L'Office ne peut donc pas commenter les informations que vous nous soumettez », nous a écrit par courriel Charles Tanguay, porte-parole de l'OPC, le 26 novembre.

L'OPC n'a pas voulu nous dire si l'organisme était au courant des liens entre Phénix et la défunte Sinorama avant de délivrer le permis.

« Si le permis d'agent de voyages a été accordé le 4 septembre dernier, nous écrit l'OPC, c'est que l'Office a estimé que le demandeur satisfaisait aux exigences de la Loi sur les agents de voyages et de son règlement pour l'obtention du permis. Lorsque des informations nouvelles sont connues de l'Office au sujet d'un détenteur de permis et qu'elles peuvent conduire l'Office à remettre en question la délivrance de ce permis, la présidente de l'Office peut, en tout temps, décider de suspendre ou d'annuler ce permis. »