Après avoir consenti à une nouvelle brèche dans son secteur laitier, Ottawa doit éviter les erreurs du passé lorsque viendra le temps d'octroyer les licences d'importation, affirme le président et chef de la direction de Saputo.

Pour Lino Saputo fils, si l'on veut préserver la valeur du secteur laitier canadien dans la foulée de la conclusion de l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), les acteurs de l'industrie doivent pouvoir « contrôler son destin ».

Dans le cadre de ce pacte de libre-échange, Ottawa a consenti à offrir 3,59 % de son marché laitier aux Américains, ce qui a surpris le grand patron de la multinationale québécoise, qui n'est toutefois pas allé jusqu'à lancer la pierre au gouvernement Trudeau.

« Quand je pense à l'AEUMC, l'accord de libre-échange avec l'Union européenne et l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, c'est 10 % de notre marché qui a été offert », a-t-il déploré au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse canadienne, jeudi, à l'occasion du dévoilement des résultats du deuxième trimestre.

À la suite de la conclusion du traité avec l'Europe, les licences d'importation avaient été réparties à parts égales entre les détaillants et l'industrie, une situation déplorée par M. Saputo et d'autres transformateurs.

Estimant qu'il faut maintenant « tourner la page » sur ce qui a été décidé par Ottawa pour conclure l'AEUMC, le président de la multinationale affirme que la balle est désormais dans le camp du gouvernement Trudeau.

Ainsi, ce sont les acteurs de l'industrie laitière qui doivent décider quels produits pourront faire leur entrée au Canada, affirme M. Saputo fils. À son avis, cela permettra d'introduire des produits à valeur ajoutée qui viendront bonifier les produits déjà offerts au pays plutôt que de saturer le marché.

« Par exemple, ici, on voit peu de fromage bleu alors que c'est partout aux États-Unis, a-t-il observé. Il serait facile d'en importer. Amener du cheddar américain juste pour le mettre sur les tablettes des détaillants, cela n'ajoute pas de valeur. Ce n'est pas logique. »

S'il a plaidé pour d'importantes compensations financières aux producteurs laitiers canadiens, M. Saputo fils a assuré que son entreprise ne voulait pas d'argent des gouvernements. Saputo a plutôt l'oeil sur les licences d'importation, a-t-il dit.

Bénéfice en baisse

Saputo a continué de gonfler son chiffre d'affaires grâce à ses acquisitions, mais des conditions de marché plus difficiles aux États-Unis ainsi qu'une baisse du prix des ingrédients ont pesé sur ses profits au deuxième trimestre.

La multinationale québécoise a affiché un bénéfice net de 163,1 millions, ou 42 cents par action, en baisse de 12 % par rapport au deuxième trimestre de l'exercice précédent.

Dans l'ensemble, les conditions de marché au sud de la frontière et la baisse des prix sur les marchés des ingrédients laitiers et du fromage à l'échelle internationale ont eu une incidence négative de 25 millions sur son bénéfice d'exploitation ajusté, qui a été de 318,5 millions, en baisse de 3,4 %.

« Le deuxième trimestre a reflété les défis que nous anticipions », a dit M. Saputo aux analystes à l'occasion d'une conférence téléphonique.

Pour la période de trois mois terminée le 30 septembre, les revenus ont été de 3,42 milliards, ce qui constitue une progression de 18,6 %. Les ajouts des activités de la coopérative australienne Murray Goulburn, de Betin, de Shepherd Gourmet Dairy et de Southeast Milk ont entre autres contribué à cette augmentation.

Les résultats se sont avérés sous les attentes des analystes sondés par Thomson Reuters Eikon, qui anticipaient un chiffre d'affaires de 3,46 milliards et sur un profit par action de 44 cents.

Cela a fait reculer le titre de Saputo à la Bourse de Toronto, qui a clôturé à 38,66 $, en baisse de 3,62 %, ou 1,45 $.