Le patron du Groupe SNC-Lavalin a tenté d'amoindrir les inquiétudes relatives aux accusations criminelles qui pèsent contre l'entreprise aux tensions diplomatiques avec le gouvernement saoudien, faisant valoir que ces difficultés ne nuiraient pas aux affaires.

« Malgré les problèmes politiques auxquels nous avons dû faire face, notre entreprise est solide », a assuré chef de la direction, Neil Bruce, à des analystes lors d'une conférence téléphonique.

Le 10 octobre, les actions de la société montréalaise ont plongé à leur plus bas niveau depuis le début 2016, après que les procureurs fédéraux eurent annoncé qu'ils n'inviteraient pas SNC à négocier un accord de réparation sur les accusations de fraude et de corruption découlant de prétendues transactions avec le régime libyen sous Moammar Kadhafi, entre 2001 et 2011 - « une époque très lointaine », a estimé M. Bruce.

« C'est pendant cette période que j'ai fait mon MBA à l'Université de Newcastle, pour mettre les choses en perspective. » Bien que le dédain perçu « n'ait aucun sens [...] cela n'a eu aucun impact sur notre capacité à soumissionner et à remporter des contrats », a-t-il fait valoir.

« Cependant, cela a ouvert toute une série de conversations. Nous devons parler aux clients de choses dont, franchement, nous préférerions ne pas parler. »

En février 2015, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a accusé SNC et deux de ses filiales d'avoir versé près de 48 millions à des fonctionnaires libyens pour influencer les décisions du gouvernement. De plus, deux divisions auraient privé diverses organisations locales d'environ 129,8 millions.

Une condamnation pourrait interdire à SNC de travailler avec le gouvernement fédéral pendant 10 ans.

L'enquête préliminaire de la firme d'ingénierie en lien avec les accusations déposées par la GRC s'est amorcée cette semaine, au palais de justice de Montréal, et devrait se poursuivre pendant environ un mois. SNC a par ailleurs demandé une révision judiciaire de la décision du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) de refuser de l'inviter à négocier un accord de réparation.

Relations avec l'Arabie saoudite

M. Bruce a confirmé qu'il se trouvait en Arabie saoudite la semaine dernière, mais a indiqué qu'il s'était tenu à l'écart d'une conférence d'investissement organisée par le gouvernement à la suite du meurtre présumé du journaliste Jamal Khashoggi.

M. Bruce a également évoqué un « incident diplomatique malheureux » entre le Canada et l'Arabie saoudite, soit l'envoi d'un message sur les droits de la personne de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, qui a déclenché un embargo commercial imposé par la monarchie, en août dernier.

« Nous continuons à surveiller la situation de près et nous sommes engagés avec nos clients », a souligné M. Bruce, tout en insistant sur le fait que les 9000 employés et les revenus de l'entreprise dans le pays, qui atteignaient 992 millions l'an dernier, restaient inchangés.

L'analyste Mona Nazir, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, a estimé que la probabilité de voir SNC entamer des négociations avec les procureurs fédéraux était « faible », « particulièrement parce que leur décision est contre-intuitive par rapport à la législation récemment adoptée par le Canada ».

Les conversations avec les clients ont fait naître des discussions sur la privatisation et la vente d'une partie de l'immense division d'ingénierie et de construction de SNC, a indiqué Mme Nazir dans une note aux investisseurs.

La société envisage la vente éventuelle d'une partie de l'autoroute 407 de l'Ontario afin de mettre en valeur la valeur réelle de la route à péage.

« Je ne pense pas que nous ayons réellement dit : "Séparer la société en morceaux" [...] Nous avons déjà commencé à examiner toutes les options, mais nous ne serons pas obligés de parler de ce qu'elles sont et de faire en sorte que tout soit public », a indiqué M. Bruce.

« Nous espérons pouvoir optimiser toute la portée de la transaction (407) - ou non, si cela ne nous procure pas ce que nous attendons. »

SNC a affiché jeudi un bénéfice de 120,7 millions pour son troisième trimestre, en hausse par rapport à celui de 103,6 millions de l'an dernier.

Le profit par action a atteint 69 cents pour la période de trois mois terminée le 30 septembre, en hausse par rapport à celui de 59 cents dévoilé un an plus tôt.

Les revenus ont reculé à 2,56 milliards, en regard de ceux de 2,63 milliards du troisième trimestre de l'année dernière.

Sur une base ajustée, SNC a engrangé 96 cents par action pour le trimestre, en hausse par rapport à un bénéfice ajusté de 78 cents par action un an plus tôt.

Les analystes tablaient en moyenne sur un bénéfice par action de 67 cents, selon les prévisions recueillies par Thomson Reuters Eikon.

Les perspectives de SNC tablent sur un bénéfice ajusté d'entre 3,60 $ et 3,85 $ par action pour l'ensemble de l'exercice 2018.