En dépit de la réputation du Canada en tant que pépinière d'intelligence artificielle, le déploiement de cette dernière n'a pas encore été un « véritable succès » pour les entreprises du pays, selon un nouveau rapport de Forbes Insights.

Sur une liste de 10 pays, le Canada se classait au dernier rang, avec seulement 31 % des adoptants la technologie qui revendiquent un déploiement réussi de l'intelligence artificielle, contre 59 % en Inde et 58 % en Allemagne, selon l'étude.

Les entreprises canadiennes sont également arrivées en dernière position pour le déploiement complet au sein des entreprises et ont rencontré le plus de résistance de la part des employés en raison de préoccupations liées à la sécurité de l'emploi, indique le rapport.

Une approche privilégiant l'éthique, la prudence classique des Canadiens sur le marché et « l'humilité de la part des cadres » expliquent les faibles chiffres, a observé Jodie Wallis, responsable de l'intelligence artificielle au Canada pour Accenture, l'une des trois entreprises ayant commandé l'étude.

« Dans plusieurs pays, les organisations se lancent dans le déploiement sans se soucier de la façon dont sera traitée l'éthique », a déclaré Mme Wallis. « Les organisations canadiennes ont tendance à faire le contraire: "Réfléchissons à toute l'éthique, puis nous procéderons au déploiement" ».

Selon le rapport, près des trois quarts des entreprises canadiennes ont des comités d'éthique liés à l'intelligence artificielle. Il s'agissait de la plus forte proportion de tous les pays étudiés, selon l'enquête réalisée en ligne auprès de plus de 300 chefs d'entreprise.

Mme Wallis a ajouté qu'un certain effacement caractéristique au Canada a peut-être modéré les chiffres de l'enquête. « Je pense que les cadres canadiens ont tendance à être humbles dans leur auto-évaluation. »

Le Canada est devenu un haut lieu de l'analyse des mégadonnées ces dernières années. Les géants technologiques Google, Microsoft, Facebook, Adobe et General Motors ont annoncé des investissements de plusieurs millions de dollars dans des centres de recherche en intelligence artificielle au Québec, en Ontario et en Alberta.

Les laboratoires, qui travaillent souvent en collaboration avec des universités et qui sont encore relativement récents, fonctionnent comme des bancs d'essai axés sur l'expérimentation, et tout remaniement exhaustif de leur modèle d'entreprise risque n'est probablement pas imminent, a souligné Mme Wallis.

« Ils travaillent sur des avancées algorithmiques qui ne seront utilisées que dans cinq ans, du point de vue du consommateur. Ils ne travaillent pas sur des solutions qui seront déployées demain », a poursuivi Mme Wallis.

Steve Holder, qui dirige la stratégie d'analyse chez SAS Canada, a souligné « le conservatisme canadien » dans les faibles résultats de l'enquête sur le déploiement de l'intelligence artificielle.

« Nous voulons nous assurer que nous avons la bonne technologie et la bonne utilisation pour que ce soit un succès dans notre organisation, par opposition à l'adoption tous azimuts d'une technologie. »

Les questions éthiques comprennent le consentement, la transparence, les préjugés et l'impact sur l'emploi, a noté Mme Wallis, donnant les télécommunications comme exemple.

« Est-ce que je veux vraiment y aller en disant : "hey, j'ai lu toutes vos données et je vois que vous profiteriez d'un nouveau plan?" Jusqu'où pouvons-nous aller avant de sembler indiscrets ou déplacés ? »

L'étude mondiale réalisée par Forbes Insights en juillet 2018 et commandée par Accenture Applied Intelligence, SAS et Intel, a interrogé 305 dirigeants d'entreprise. La majorité de ces entreprises employaient plus de 5000 travailleurs.

Les experts en recherche et en méthodologie jugent qu'il est impossible d'attribuer une marge d'erreur à un sondage réalisé en ligne puisque la méthode d'échantillonnage est non probabiliste.