Le laboratoire pharmaceutique Pfizer, qui a renoncé à augmenter les prix de ses médicaments sous la pression de Donald Trump, a mis en garde mardi contre le renforcement du dollar qui va rogner ses ventes annuelles.

La nette appréciation du billet vert face à l'euro, au yuan et au yen entre la mi-avril et la mi-juillet va se matérialiser par un manque-à-gagner d'au moins 500 millions de dollars en 2018, estime le premier groupe pharmaceutique américain.

Il a par conséquent décidé d'abaisser de 500 millions de dollars son objectif de chiffre d'affaires pour 2018 et ne s'attend désormais plus qu'à réaliser des ventes comprises entre 53 et 55 milliards de dollars, contre 53,5 et 55,5 milliards début mai. Les marchés tablent, eux, sur 54,29 milliards.

Pfizer aurait pu compenser l'impact défavorable de changes en augmentant les prix, mais le groupe y a renoncé début juillet après avoir été attaqué par le président Trump sur Twitter.

Les prix de certains médicaments récemment augmentés par Pfizer baisseront «le plus rapidement possible techniquement», et resteront inchangés «jusqu'au moment où le plan de M. Trump entrera en vigueur, ou jusqu'à la fin de l'année, le plus tôt des deux», avait précisé le groupe pharmaceutique.

Donald Trump a promis en mai un plan d'action pour réduire le prix des médicaments aux États-Unis, parmi les plus élevés au monde, en accroissant notamment la concurrence et en réduisant les obstacles réglementaires.

Fin des ristournes

Il pourrait supprimer les ristournes obligatoires imposées aux fabricants de médicaments souhaitant être subventionnés par l'assurance-santé publique Medicaid pour les personnes les plus vulnérables, a affirmé mardi Ian Read, le PDG de Pfizer, lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.

«Si l'administration est déterminée à supprimer les rabais, et elle peut le faire pour le secteur public, je m'attends à ce qu'il y ait une transparence équivalente dans le secteur privé pour y abolir également les ristournes (...) Tout ceci est très positif pour l'industrie pharmaceutique», a déclaré M. Read, répondant à une question sur la possible évolution des prix des médicaments.

Ces déclarations faisaient bondir le titre de plus de 3% en mi-séance à Wall Street.

En attendant, le dollar fort ne va pas affecter la rentabilité, Pfizer ayant relevé sa prévision de bénéfice et s'attendant à dégager un bénéfice par action ajusté des éléments exceptionnels, référence en Amérique du Nord, compris entre 2,95 et 3,05 dollars contre 2,90 à 3 dollars auparavant.

Cet optimisme se fonde sur le fait que le fabricant du Viagra prévoit de payer moins d'impôts à la suite de la récente réforme fiscale avantageuse pour les entreprises. Son taux d'imposition devrait être d'environ 16% au lieu de 17% comme envisagé auparavant.

Le bénéfice net trimestriel a bondi de 26% à 3,87 milliards de dollars, tandis que le chiffre d'affaires trimestriel a augmenté de 4,4% à 13,5 milliards de dollars, supérieur aux 13,31 milliards anticipés. 

Pertes de brevets 

La progression de 7,8% des ventes des médicaments dits innovants (Innovative Health) a compensé la stagnation (-0,6%) des traitements mâtures (Essential Health).

La croissance des revenus est tirée par l'anticancéreux Ibrance (+19% à 1,03 milliard de dollars), l'anticoagulant Eliquis (+42% à 889 millions) et le traitement contre l'arthrite rhumatoïde Xeljanz (+37% à 463 millions).

Comme le reste de l'industrie pharmaceutique, Pfizer est confronté à une perte des brevets de ses anciens «blockbusters» et essaie également de parer à des pénuries aux États-Unis de produits injectables comme des perfusions. Il affirme qu'il ne sera plus affecté par l'expiration des brevets après 2020.

Le groupe new-yorkais a décidé de donner un coup de fouet à sa recherche et développement (R&D), dont l'enveloppe pour 2018 passe d'une fourchette comprise entre 7,4 et 7,9 milliards à une fourchette allant de 7,7 à 8,1 milliards.

Pfizer espère que cet effort substantiel va soutenir son objectif de faire approuver jusqu'à une trentaine de nouveaux médicaments d'ici 2022, ce qui devrait soutenir la croissance des ventes.

La société continue par ailleurs à explorer des options stratégiques pour ses médicaments sans ordonnance pour laquelle elle a déjà eu des discussions avec des rivaux tel le britannique GlaxoSmithKline. Une décision sera prise d'ici la fin de l'année.

Cette division, qui comprend l'anti-inflammatoire Advil, les compléments alimentaires Centrum et Caltrate ou encore le baume pour les lèvres ChapStick, est évaluée à plus de 20 milliards de dollars.