Maintenant qu'il a gagné sa bataille contre la direction et qu'il contrôle le conseil d'administration de DavidsTea, Herschel Segal doit composer avec trois actionnaires institutionnels mécontents qui détiennent ensemble 37 % des actions du détaillant montréalais. « Ils ne parlent pas le langage des marchands », a dit Segal, hier, en marge de l'assemblée des actionnaires.

ASSEMBLÉE HOULEUSE

Le ton a été donné dès le début de l'assemblée par un petit actionnaire mécontent d'apprendre qu'il ne pourrait prendre la parole. L'individu s'est levé et a quitté la salle en criant : « Continuez de vous battre et de faire plonger l'action. » À la toute fin de l'assemblée, Ben Gisz, associé chez Gestion d'actifs TDM - un important actionnaire institutionnel -, s'est levé pour prendre la parole. Il a aussitôt été muselé par l'avocat de Herschel Segal. « Cette assemblée est terminée. Je ne laisserai pas cet homme parler. C'est contraire à notre entente avec la compagnie. Tout le monde doit maintenant se lever et quitter », a crié Neil Wiener avant de se faire invectiver par d'autres actionnaires mécontents.

RÉACTION EN BOURSE

Détenteur de 46 % des actions de DavidsTea, Herschel Segal partait avec une longueur d'avance devant les quelque 37 % d'actions détenues par les trois principaux actionnaires institutionnels qui appuyaient la direction sortante. Dans le plus important volume de transactions enregistré cette année sur l'action de DavidsTea, le titre s'est apprécié de 5 % pour clôturer à 4,15 $ US hier au NASDAQ. Inscrite en Bourse il y a trois ans, l'action de DavidsTea valait une trentaine de dollars américains en juin 2015. L'entreprise de 240 boutiques reste déficitaire avec des pertes de 28 millions en 2017.

HOMME DE CONFIANCE

Herschel Segal prend le contrôle du conseil après avoir fait élire les sept administrateurs qu'il proposait. Déçu par la performance de DavidsTea et incapable de s'entendre avec les anciens leaders, il croit que la seule façon de relancer DavidsTea est d'avoir un conseil uni qui partage sa vision. Ainsi, Lorenzo Salvaggio, initialement pressenti ce printemps pour occuper un siège au conseil et qui était jusqu'à tout récemment chef de l'exploitation de Placements Mauvais Jours - le holding privé de Herschel Segal - occupera un poste de gestionnaire chez DavidsTea. « Nous avons convenu que je serais plus efficace dans ce rôle. Je préfère d'ailleurs être sur le plancher et travailler avec les gens », a-t-il dit hier.

TDM N'ENTEND PAS LÂCHER

« Nous allons voir ce qu'il est possible de faire pour ajuster notre stratégie », a dit Ben Gisz, associé chez Gestion d'actifs TDM, après l'assemblée. TDM, Porchlight et Edgepoint sont les trois institutionnels qui tentaient de barrer la route à Herschel Segal. « Nous voulons que l'entreprise performe bien. On aime la marque, mais nous n'appuyons pas Herschel Segal comme président du conseil ou dirigeant », a-t-il ajouté. Il avait récemment affirmé que Herschel Segal manquait de leadership et que son style a contribué au taux de roulement au sein de la direction ces dernières années. Ce printemps, les agences de conseil de vote, ISS et Glass Lewis, avaient recommandé aux actionnaires de ne pas appuyer Herschel Segal.

LE « PROBLÈME » DES INSTITUTIONNELS

Après l'assemblée, Herschel Segal ne semblait pas trop s'en faire avec les propos des actionnaires institutionnels. « Ils ont une manière de veiller sur leurs intérêts », a dit l'entrepreneur montréalais de 87 ans. « Nous sommes des opérateurs. Nous sommes des marchands. On se concentre sur le produit. Les institutionnels accordent d'abord de l'importance à l'argent. L'argent est important, car c'est la fiche d'évaluation. Mais les institutionnels ne parlent pas le langage des marchands. C'est ça, le problème », dit celui qui est aussi le fondateur du détaillant montréalais Le Château.

LE PROCHAIN PDG

Le départ de Joel Silver, qui occupait le poste de PDG de DavidsTea depuis environ un an, a rapidement été confirmé après l'assemblée. Herschel Segal prend la relève par intérim. « Nous allons évaluer très rapidement ce que nous avons sous la main », a-t-il dit. Selon lui, le retour à la rentabilité se fera en moins d'un an. « Avant la prochaine assemblée annuelle des actionnaires », a-t-il affirmé. Le prochain PDG sera le septième de l'entreprise depuis sa fondation il y a 10 ans. En plus de David Segal, il y a eu Jevin Eagle, Sylvain Toutant, Christine Bullen (par intérim), Joel Silver et maintenant Herschel Segal (par intérim).

LA RELÈVE FAMILIALE

S'il n'en tient qu'à Herschel Segal, sa fille Sarah continuera de travailler chez DavidsTea. Sarah Segal, 33 ans, est en congé avec solde depuis quelques semaines en raison de la bataille que menait son père contre la haute direction. Elle avait abandonné son siège au conseil de David's Tea l'été dernier pour devenir vice-présidente du développement de produits et de l'innovation. Il s'agissait pour elle d'un retour dans l'équipe de gestion puisque, entre 2010 et 2012, elle avait été responsable du développement de produits et du service des thés. Elle est aussi propriétaire et fondatrice de Bonbons Squish, une entreprise montréalaise de jujubes parfumés. Ben Gisz, de TDM, croit que Herschel Segal se prépare à confier un jour le poste de PDG à sa fille.

LES PRIORITÉS

Herschel Segal se disait en désaccord avec la priorité de la majorité des anciens administrateurs qui, selon lui, était l'exploration d'options de rechange stratégiques. Il souhaite d'abord prioriser le redressement des activités au Canada qui, selon lui, ont été négligées. Il entend entre autres réduire les coûts, notamment par une réduction du personnel au siège social de Montréal. Pour stabiliser les activités aux États-Unis, selon lui, un partenariat avec une chaîne spécialisée dans le café ayant des centaines d'établissements mérite, par exemple, d'être envisagé.