Vingt ans après le lancement du Viagra, le laboratoire pharmaceutique Pfizer est toujours à la recherche d'un autre médicament capable de lui rapporter des milliards de dollars et de séduire un large public tout en révolutionnant les moeurs.

Cette quête de la molécule miracle pourrait prendre un certain temps, car l'enveloppe destinée à la recherche et développement (R&D) stagne depuis 2014, dans le cadre d'une politique générale de réduction des coûts.

Les dépenses de R&D devraient être comprises entre 7,4 et 7,9 milliards de dollars cette année, en baisse d'au moins 3,4 % sur un an, selon des projections annoncées en février.

Elles s'élèvent respectivement à 10,1 milliards de dollars et à 10,55 milliards chez ses rivaux et compatriotes Merck et Johnson & Johnson.

Les coupes effectuées par Pfizer prennent la forme d'abandons de domaines thérapeutiques avec des suppressions d'emplois au bout. En janvier, le numéro 2 mondial de la pharmacie en termes de ventes a par exemple décidé de mettre fin à la recherche de médicaments contre les maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer et celle de Parkinson après des essais cliniques non concluants. Une décision qui a laissé sur le carreau environ 300 chercheurs.

Pfizer envisage également de vendre sa division de médicaments sans ordonnance (l'anti-inflammatoire Advil, les compléments alimentaires Centrum et Caltrate, le baume pour les lèvres ChapStick).

Partager les risques

De façon générale, les investissements de l'industrie pharmaceutique aux États-Unis pâtissent de la hausse du coût moyen pour faire connaître un nouveau traitement et obtenir le feu vert de l'agence américaine du médicament (FDA), de l'allongement de la procédure d'approbation et des incertitudes sur les ventes dans le contexte actuel de pressions publiques et politiques contre le prix exorbitant des médicaments.

Il faut en moyenne 2,6 milliards de dollars à un laboratoire pharmaceutique pour faire approuver un médicament, selon le Tufts Center for the Study of Drug Developement. Or, seulement 19 traitements ont généré environ 1 milliard de dollars de revenus annuels dans les cinq années ayant suivi leur lancement lors des 20 dernières années, selon le QuintilesIMS Institute.

Face à ces incertitudes, Pfizer préfère partager les risques, optant pour un nouveau modèle économique désormais largement répandu dans l'industrie.

Il a noué des partenariats stratégiques avec ses compatriotes Merck et Bristol-Myers Squibb et collabore avec des biotechs et startups et des universités dans des domaines jugés prometteurs comme l'oncologie et l'immunologie.

Le groupe a également créé des fonds de capital investissement pour financer des recherches de scientifiques externes.

Acquisitions

«Notre portefeuille actuel pourrait accoucher de jusqu'à 15 blockbusters potentiels dans les cinq prochaines années», vante un porte-parole du groupe pharmaceutique, assurant que sur les trois dernières années «nos dépenses dans la R&D sont très constantes».

Pfizer qui, outre le Viagra, a commercialisé certains des médicaments les plus rentables de l'histoire de la médecine moderne - l'anti-cholestérol Lipitor, l'antidépresseur Zoloft, l'anti-inflammatoire Celebrex - patine.

L'an dernier, ses revenus ont diminué de 0,54 % à 52,54 milliards de dollars. Et même si le groupe anticipe leur rebond cette année, la hausse ne sera que de 5 % au maximum, selon ses projections.

Ses ventes sont affectées par la concurrence des génériques et l'expansion rapide des biosimilaires, équivalents moins chers de médicaments biologiques comme les vaccins ou les médicaments dérivés du sang.

L'anti-inflammatoire biologique Enbrel fait face à des biosimilaires en Europe, tandis que les brevets du Viagra sont tombés dans le domaine public aux États-Unis et en Europe.

Assis sur un gros trésor de guerre, Pfizer espère contrebalancer ces vents contraires par des acquisitions. Après deux tentatives infructueuses (AstraZeneca et Allergan), le groupe est à la recherche d'une «grosse» cible, selon les analystes financiers.

En 2016, le laboratoire a racheté coup sur coup Medivation et Anacor, qui lui ont permis d'ajouter à son portefeuille Xtandi, un médicament contre le cancer de la prostate, et Eucrisa (crisaborole), une pommade contre l'eczéma.

Le rachat en 2015 d'Hospira, un spécialiste de perfusions et de biosimilaires, lui avait permis de renforcer sa division de médicaments matures.