Les espoirs de Snapchat de devenir un réseau social aussi important que son rival Facebook ont pris du plomb dans l'aile avec la publication de mauvais résultats quelques semaines après son arrivée en fanfare à Wall Street.

Sa maison-mère Snap a annoncé mercredi soir une perte trimestrielle de 2,2 milliards de dollars et un chiffre d'affaires de 149,6 millions de dollars, inférieur aux attentes des analystes. La croissance du nombre de ses utilisateurs s'est aussi révélée en net ralentissement.

Jeudi, l'action chutait de près de 20 % à Wall Street à moins de 19 dollars. C'est à peine au-dessus de son prix d'introduction de 17 dollars le 2 mars sur la place financière américaine. La première journée d'échange avait vu le titre de Snap atteindre près de 25 dollars et près de 30 dollars dans les jours suivants.

Le nombre de ses utilisateurs quotidiens a certes grimpé à 166 millions à la fin mars, soit 36 % de plus qu'un an auparavant, mais c'est seulement 5 % de plus qu'à la fin du trimestre précédent.

«La conclusion de tout ça, c'est que l'avenir de Snap est celui d'un acteur de niche dominant des segments étroits de la population plutôt que celui d'une entreprise dominante avec une large popularité et cela a des implications significatives pour sa valorisation», estime Jan Dawson de Jackdaw Research dans un blogue.

Pour Richard Windsor, analyste chez Radio Free Mobile, la croissance de Snap «n'est pas assez bonne» pour justifier sa valorisation actuelle. «Les observateurs font déjà des comparaisons avec Twitter, mais je ne pense pas que cela décrit suffisamment la mauvaise situation» de Snap, ajoute-t-il.

Il rappelle que toutes les innovations de Snap, qui s'est imposé avec un modèle de messages disparaissant après avoir été consultés, ont généralement été rapidement copiées par Facebook, le géant du secteur avec ses quelques deux milliards d'utilisateurs. «C'est leur gros problème, car Facebook peut dépenser plus que Snap sur tous les segments», affirme l'analyste.

Facebook tente ainsi de concurrencer Snapchat avec Instagram, qu'il a racheté en 2012, et la fonctionnalité Instagram Stories.

Ton triomphant

Le patron de Snap, Evan Spiegel, s'affirme toutefois confiant dans les capacités de «créativité» de son entreprise pour se faire une place au soleil. «Il faut accepter que les gens vont vous copier si vous faites des choses qui marchent», affirme-t-il.

Mais Jan Dawson estime que les créateurs de Snap semblent «plus enclins à dire du mal de Facebook que de répondre aux questions inquiètes des investisseurs sur la croissance des utilisateurs».

«Leur ton triomphant aurait été acceptable si la croissance de l'entreprise n'avait pas ralenti significativement depuis l'introduction d'Instagram Stories. Dans le contexte actuel cela apparait plutôt comme de la naïveté et du déni», assène l'analyste.

L'essentiel de la perte de 2,2 milliards provient de l'attribution d'actions dans le cadre de l'introduction en Bourse. «Quel désastre ! Ils ont pris l'argent des actionnaires pour le donner aux dirigeants,» accuse Ross Gerber de la firme d'investissement Gerber Kawasaki. Hors ces dépenses exceptionnelles, la perte d'exploitation s'élevait à la fin du trimestre à 188 millions de dollars.

Le problème vient aussi du fait que Snap a signé beaucoup d'accords avec des sites de médias qui cherchent à capter son audience. Si cela amène du trafic, cela ne se traduit pas par une hausse des recettes publicitaires, la part mondiale de Snap dans cet immense gâteau qui enrichit des rivaux comme Facebook ou Google n'atteignant que 0,4 %, selon le cabinet de recherche eMarketer.

Certains gardent toujours leur optimisme. C'est «beaucoup trop tôt» pour renier Snap ou le comparer à Twitter, estime Mark Mahaney de RBC Capital Markets.

«Ils sont devenus un leader en termes d'innovation, à la fois pour les utilisateurs et les publicitaires, sur le marché qui se développe le plus rapidement aujourd'hui, à savoir les appareils mobiles», estime-t-il. «Ils sont aussi l'une des plates-formes les plus fréquentées par les millennaux», ajoute-t-il.

«S'ils arrivent à maintenir leur rythme actuel d'innovation, ils pourront continuer leur croissance à long terme et devenir rentables», parie-t-il.