Le gouvernement fédéral doit rapidement mettre en place un programme de compensation financière pour les producteurs laitiers et fromagers affectés par l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE), estime le président et chef de la direction de Saputo, Lino Saputo fils.

Même si son entreprise transformation laitière ne recevra pas d'argent, il estime qu'il faut s'assurer que les producteurs demeurent rentables puisque ceux-ci verront probablement leur production fléchir.

«Autrement, il n'y aura pas d'autres générations pour prendre la relève, a dit M. Saputo, jeudi, au cours d'un entretien téléphonique visant à discuter des résultats du deuxième trimestre de l'entreprise. Les compensations sont nécessaires.»

En vertu de l'Accord économique commercial et global (AECG), le Canada ouvrira ses frontières à 17 700 tonnes supplémentaires de fromages européens, dont 16 000 tonnes de fromages fins. Les Producteurs de lait du Québec estiment que l'entente commerciale entraînera des pertes annuelles permanentes de 300 millions pour l'industrie laitière et fromagère québécoise.

La ministre du Commerce international, Chrystia Freeland, a déjà promis des compensations, sans toutefois, pour le moment, chiffrer le montant qui pourrait être versé.

L'accord commercial signé avec l'UE ne devrait pas avoir une incidence négative significative sur les activités canadiennes de Saputo, qui prévient toutefois que les Canadiens ne consommeront pas davantage de fromage afin d'absorber les 17 700 tonnes supplémentaires en provenance d'Europe.

«Éventuellement, peut-être qu'il y aura une baisse de la quantité de produits (laitiers) qui seront fabriqués au Canada, a dit M. Saputo. C'est une réalité. Mais nous pouvons mieux contrôler notre destin grâce à notre réseau de distribution. Nous pouvons au moins nous défendre.»

À l'instar des autres grands transformateurs laitiers du pays, l'entreprise estime que c'est aux acteurs de l'industrie laitière que les nouveaux quotas d'importation de fromage devraient être octroyés.

M. Saputo affirme que les sociétés qui importent déjà du fromage - comme la sienne - pourraient favoriser l'équilibre entre le développement des fromagers locaux et l'importation de produits européens.

«Nous avons tout intérêt à contrôler la qualité et le prix de ces produits pour atténuer l'impact négatif sur les fromages fabriqués ici», dit-il.

M. Saputo s'attend à avoir plus de détails de la part d'Ottawa au début de la prochaine année en ce qui a trait à l'octroi des nouveaux quotas d'importation.

Quant à sa performance du deuxième trimestre, le transformateur laitier a vu ses profits et revenus croître, notamment grâce à des augmentations des prix de vente découlant de la hausse du prix du lait au Canada ainsi qu'à l'international.

Saputo a engrangé un bénéfice net de 191,8 millions, ou 49 cents par action, en hausse de 28 % par rapport à la période correspondante de l'an dernier.

Du côté des recettes, qui ont été de 2,85 milliards, la progression a été moins marquée, à 2 % par rapport à l'année précédente.

Ces résultats ont toutefois permis à Saputo de dépasser les attentes des analystes sondés par Thomson Reuters, qui prévoyaient un profit par action de 45 cents ainsi qu'un chiffre d'affaires de 2,81 milliards.

Les revenus ont progressé au Canada ainsi qu'aux États-Unis, mais ils ont fléchi de 13 % dans la division internationale pour s'établir à 324,7 millions.

Dans une note, Irene Nattel, de RBC Marchés des capitaux, souligne la bonne performance de la société, rappelant que la croissance de Saputo continuera de passer par les acquisitions.

«L'entreprise a démontré à maintes reprises sa capacité d'intégrer de nouvelles cibles pour créer de la valeur, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs (dans le monde)», écrit l'analyste.

À la Bourse de Toronto, l'action de Saputo a terminé la séance à 47,86 $, en hausse de 13 cents, ou 0,27 %.