Le géant industriel Alstom (ALSMY), en pleine incertitude sur son avenir, a renoncé à verser un dividende cette année après une chute de ses bénéfices annuels dans un contexte économique difficile.

Le fabricant français de turbines électriques et de TGV, dont la branche énergie est convoitée par General Electric et Siemens, a dégagé un bénéfice net en baisse de 28% sur l'exercice décalé achevé fin mars, à 556 millions d'euros.

Le groupe a pâti notamment du décalage de grands projets d'infrastructures dans son activité principale de centrales thermiques (Thermal Power), qui souffre d'un marché européen de l'électricité européen en surcapacités.

Il entend d'ailleurs céder cette division qui fournit des centrales clefs en main et gros équipements comme des turbines et alternateurs, ainsi que les activités d'énergies renouvelables et de transmission d'électricité, pour se recentrer sur sa branche de construction ferroviaire.

«L'activité d'Alstom Transport est une activité solide, performante, sur un marché en croissance», a déclaré le PDG Patrick Kron lors d'une conférence téléphonique. Une partie du produit de la cession éventuelle de la branche énergie servirait à renforcer son bilan.

«Alstom n'est pas une entreprise en crise, c'est une entreprise qui n'a pas de problèmes financiers à court terme», a réaffirmé M. Kron. Mais «il s'agit aujourd'hui de regarder non seulement le court terme, mais aussi le moyen et long termes et de préparer l'entreprise à relever les défis stratégiques qui sont devant elle».

«La configuration actuelle des activités énergie d'Alstom leur faisait courir des risques importants sur ce moyen-long terme, d'où ce projet avec General Electric», a-t-il ajouté.

Une augmentation de capital n'aurait pas été la réponse appropriée, selon lui: «nous avons un problème de taille critique sur le marché de l'énergie. Je ne crois pas que disposer d'un milliard de plus réglerait ce problème», a-t-il estimé lors d'une conférence de presse.

Assemblée générale à l'automne 

Le conseil d'administration d'Alstom a donné fin avril sa préférence à l'offre de 12,35 milliards d'euros de GE, mais il s'est donné jusqu'à la fin mai pour étudier d'autres offres de rachat pour sa branche énergie, avant d'entrer en négociations exclusives avec le candidat mieux-disant.

Siemens s'est invité dans le processus avec le soutien du gouvernement français: dans une proposition préliminaire, il évalue à un montant compris entre 10,5 et 11 milliards d'euros le portefeuille énergie d'Alstom et propose de lui céder en plus la plupart de ses activités de transport.

Le conglomérat allemand a toutefois laissé planer le mystère mercredi sur ses intentions définitives, préférant se concentrer sur une nouvelle stratégie de recentrage sur l'énergie.

Trouvant l'offre de GE insuffisante, le gouvernement a demandé au groupe américain de l'améliorer, en mettant dans la balance ses propres activités de transports. Le géant américain avait déjà évoqué la possibilité de créer une coentreprise dans la signalisation.

«Il y a dans le portefeuille de General Electric une activité signalisation qui mérite d'être examinée», a indiqué M. Kron, se disant moins intéressé par les locomotives fret où Alstom n'est pas présent.

«Nous allons évidemment discuter avec General Electric de ce qu'on peut faire ensemble dans ce domaine-là», a-t-il ajouté, estimant «légitime» l'intervention de l'État dans le dossier.

Les actionnaires d'Alstom auront le dernier mot, lors d'une assemblée générale qui devrait se tenir à l'automne, après le processus d'information-consultation des instances représentatives du personnel et la soumission du dossier aux autorités réglementaires, a précisé le dirigeant.

Il a laissé planer le doute sur son propre devenir. «Je n'ai rien négocié avec quiconque me concernant. (...) Je ne pense pas que je serai nécessaire durablement à l'avenir d'Alstom devenu Alstom Transport, il y a des équipes compétentes qui ont parfaitement les moyens et le talent de prendre le relais», a déclaré M. Kron

L'industriel n'a pas réaffirmé les prévisions pour l'exercice en cours, qu'il avait exposées en janvier.

Le chiffre d'affaires est resté stable à 20,7 milliards d'euros (+4% en organique), pour un résultat opérationnel annuel en recul de 3% à 1,4 milliard, ce qui donne une marge opérationnelle en léger retrait à 7% (contre 7,2% sur l'exercice précédent), comme anticipé.

Les nouvelles commandes se sont repliées de 10%, à 21,5 milliards d'euros. Le carnet de commandes total s'établissait à 51,5 milliards d'euros à la fin mars, représentant deux ans et demi d'activité.

Signe encourageant, le flux de trésorerie libre, indicateur très regardé par les investisseurs, est repassé en terrain positif au second semestre, mais sur l'ensemble de l'exercice écoulé, il reste négatif de 171 millions d'euros (contre +408 millions en 2012-2013), pour une dette nette en hausse à 3 milliards d'euros.

Cette annonce a été bien accueillie en Bourse, les analystes tablant sur une poursuite de l'amélioration de la trésorerie: l'action Alstom a gagné 0,71% à 28,92 euros.