Boeing a lancé mercredi une vaste offensive pour regagner la confiance du grand public et obtenir des régulateurs l'autorisation de faire voler à nouveau les 737 MAX cloués au sol depuis mi-mars.

L'avionneur a présenté dans son fief de Renton, devant des centaines de journalistes, pilotes et dirigeants de compagnies aériennes, les modifications tant attendues sur le système de vol de son 737 MAX, mis en cause dans deux catastrophes aériennes qui ont fait 346 morts à quelques mois d'intervalle.

Il a jugé que ces changements allaient rendre le système « plus solide », tout en rejetant l'idée que ces modifications suggèrent que la conception de départ était inadaptée.

Dan Elwell, responsable par intérim de l'agence chargée de donner son feu vert à tout ce qui vole aux États-Unis, et qui jusque-là servait de référence dans une bonne partie du monde, tentait lui d'expliquer aux sénateurs américains pourquoi la FAA a tardé à immobiliser les MAX après la tragédie d'Ethiopian Airlines.

Un Boeing 737 MAX 8 de la compagnie éthiopienne s'est écrasé près d'Addis Abeba le 10 mars, faisant 157 victimes.  

Ce délai a fait naître des soupçons de collusion entre l'agence américaine et l'avionneur américain, d'autant que les autorités chinoises et européennes avaient rapidement décidé de ne plus laisser voler ces avions, en raison des similitudes de cet accident avec le crash du 737 MAX 8 de la compagnie indonésienne Lion Air le 29 octobre.

Le pilote reprend le contrôle

L'intervention du MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) sera plus transparente pour l'équipage et les pilotes pourront plus facilement le contourner en cas de problème, a expliqué en substance Boeing, qui a présenté cette nouvelle mouture à plusieurs centaines de professionnels pour les rassurer.

Selon le constructeur, la nouvelle version du logiciel a été soumise « à des centaines d'heures d'analyses, de tests en laboratoire, de vérifications dans un simulateur de vol et à deux vols d'essais, y compris un vol de certification avec des représentants de la FAA à bord comme observateurs ».

Le but est de « réduire la charge de travail de l'équipage dans des situations anormales et d'empêcher le MCAS de s'activer à cause de fausses données », a précisé Boeing.

La FAA et d'autres autorités de régulation doivent encore certifier ces modifications, a-t-il indiqué.

Boeing a aussi prévu de mieux former les pilotes aux subtilités du MCAS et du 737 MAX, dont les modifications sur les moteurs ont sensiblement changé le comportement.

« Directement impliquée »

  

La FAA, qui avait délégué une partie du travail de certification du 737 MAX à Boeing, « a été directement impliquée » dans l'approbation du MCAS, devait affirmer Dan Elwell devant le Congrès, selon ses propos liminaires dont l'AFP a obtenu copie.

« Des ingénieurs de la FAA et des pilotes d'essais ont été impliqués dans l'évaluation opérationnelle du MCAS », devait-il déclarer, tout en expliquant que « comme c'est toujours le cas dans la certification de nouveaux produits, ce sont les données dans le temps qui permettent d'analyser en continu (le système) et de l'améliorer ».

Lors d'une audition distincte mercredi matin, la ministre américaine des Transports Elaine Chao a dit « s'inquiéter de toute allégation de relations trop étroites avec quelque compagnie que ce soit ».

Elle a aussi estimé que le système qui veut que Boeing soit autorisé à prendre en main une partie de la certification de ses appareils était nécessaire parce que « la FAA ne peut pas le faire toute seule ».

« La procédure que nous observons avec les régulateurs sur la conception des avions a toujours conduit à des appareils plus sûrs », a défendu un dirigeant de Boeing.

« La rigueur et la profondeur de la conception entourant le MAX et les tests effectués nous permettent de dire que les modifications que nous faisons répondraient à chacun de ces accidents », a-t-il ajouté.

La version finale devrait être soumise à la FAA « à la fin de la semaine », selon un responsable du constructeur.

En attendant l'autorisation

D'après les premiers éléments de l'enquête concernant le vol Lion Air, l'une des sondes d'incidence était tombée en panne, mais elle avait continué à transmettre des informations aux calculateurs, notamment au MCAS, qui continuait de tenter de faire piquer l'avion pour reprendre de la vitesse malgré les tentatives des pilotes de redresser l'appareil.

Dans la nouvelle mouture du logiciel, le pilote sera en outre capable de déduire que le MCAS ne fonctionne plus grâce à un système d'alerte lumineux, baptisé « AOA disagree », indiquant que les deux sondes émettent des données contradictoires.

En attendant, l'immobilisation de la flotte a un coût important, d'autant que s'approche la saison estivale et son pic de trafic. La compagnie américaine Southwest Airlines a abaissé mercredi sa prévision de chiffre d'affaires au premier trimestre à cause des annulations liées à l'interdiction de vol du 737 MAX, dont elle opère la plus grande flotte au monde.