Malgré des coûts très élevés en Californie, Siemens était en bonne posture pour coiffer Bombardier dans le contexte de l'appel d'offres pour la construction de 32 trains lancé au printemps par VIA Rail, grâce notamment à l'expérience acquise avec des contrats américains.

La Presse a rapporté hier que VIA Rail avait préféré la proposition de Siemens à celle de Bombardier pour ce contrat estimé à environ 1 milliard de dollars. Les trains seraient ainsi assemblés à Sacramento, en Californie, plutôt qu'à La Pocatière. Le contrat n'est toutefois pas encore signé.

Ce ne sont pas les coûts d'exploitation des deux installations qui seraient en cause. Contrairement à leurs collègues indiens ou chinois, les employés californiens de Siemens n'ont rien à envier à ceux de La Pocatière en matière de conditions de travail. Au contraire, les difficultés à y recruter suffisamment d'employés et une réglementation très sévère poussent les coûts vers le haut.

L'avantage de Siemens résiderait plutôt dans le fait que son usine de Sacramento est déjà en train de produire des locomotives et des voitures très semblables à celles qui ont été offertes à VIA Rail.

Ainsi, l'entreprise allemande serait en mesure d'éliminer ou de réduire significativement les coûts liés au développement de la plateforme et à la mise en place de la production, qui constituent une part très importante des contrats de matériel ferroviaire.

Siemens a décroché en mars 2014 un contrat pour la construction de 32 locomotives Charger avec les États de la Californie, de l'Illinois, du Michigan, du Missouri et de Washington. Surtout, ce contrat était assorti d'options pour 225 locomotives additionnelles. Plusieurs d'entre elles ont été exercées, a-t-on pu constater, de telle sorte que leur construction suit son cours à l'usine de Sacramento.

En contrepartie, il y a plusieurs années que l'usine de La Pocatière n'a pas produit de trains intercités. Les locomotives déjà produites par Bombardier et les plus susceptibles d'être réutilisées pour le contrat de VIA Rail sont construites à Plattsburgh.

Bombardier dispose elle aussi d'une plateforme mature dont les coûts initiaux sont amortis, celle des voitures multiniveaux assemblées à Thunder Bay, en Ontario. Mais certaines conditions de l'appel d'offres de VIA Rail, dont le parc actuel est formé de voitures à un seul niveau, auraient rendu ardue la tâche de proposer des voitures multiniveaux.

TRAITÉS INTERNATIONAUX

Le président de la Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN), Louis Bégin, se questionnait hier sur l'application des accords de libre-échange par les différents gouvernements.

« Il y a un manque de transparence flagrant quant à l'application des accords de libre-échange et aux exigences de contenu local, a-t-il déploré. D'un appel d'offres à l'autre, d'une société d'État à l'autre, on nous dit 0 %, 15 %, 25 % de production nationale. Et aujourd'hui, on apprend que VIA Rail, une société de la Couronne, serait restée "prudente" en n'exigeant aucune production au Québec, alors que Bombardier Transport à La Pocatière est pleinement en mesure de construire ces trains ? C'est un non-sens total ! »

Au moins deux accords internationaux signés par le Canada empêchaient VIA Rail d'inclure un seuil de contenu local dans son appel d'offres, a-t-on aussi pu constater.

D'abord, l'Accord sur les marchés publics (AMP) de l'Organisation du commerce mondial (OMC) inclut textuellement VIA Rail parmi une liste d'organisations fédérales à qui une telle pratique est interdite.

Le Canada a fait insérer deux exceptions dans cet accord, dont l'une touche « le matériel de transport ferroviaire urbain et de transport en commun urbain, les systèmes, composantes et matériaux entrant dans leur fabrication, ainsi que tout le matériel en fer ou en acier destiné à ces projets ».

Or, comprend-on, la commande de VIA Rail touche du matériel de transport « interurbain » plutôt qu'« urbain ».

L'Accord États-Unis-Mexique-Canada, tout récemment négocié, renvoie aux dispositions de l'AMP en ce qui a trait aux marchés publics.

Le récent accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe (Accord économique et commercial global, AECG) entre aussi en jeu, d'autant que les principaux rivaux de Bombardier dans ce concours, dont Siemens, sont européens.

L'AECG interdit lui aussi aux sociétés d'État, fédérales ou provinciales, d'inclure des seuils de contenu local. Il prévoit une exemption donnant au Québec et à l'Ontario le droit de fixer un seuil de 25 % pour l'achat de véhicules de transports en commun, mais celle-ci ne s'applique pas à VIA Rail, une société fédérale.

- Avec La Presse canadienne

Photo Erick Labbé, Archives Le Soleil

L'usine de Sacramento de Siemens est en train de produire des locomotives et des voitures très semblables à celles qui ont été offertes à VIA Rail.