Un peu plus d'un an après avoir annoncé son intention de couper ses liens avec Aéroplan, Air Canada désire maintenant, avec l'aide de trois partenaires, racheter le programme de fidélisation des mains d'Aimia.

Le transporteur aérien, qui veut déployer sa propre plateforme en 2020, a confirmé, mercredi, dans un courriel envoyé à ses clients, que les quelque cinq millions de membres d'Aéroplan seraient en mesure de transférer leurs milles non échangés si son rachat du programme se concrétisait.

«Pour aller droit au but: de nombreux clients nous ont dit qu'ils voyaient nos plans d'un bon Å"il et qu'ils préféreraient transférer leurs milles Aéroplan au nouveau programme de fidélisation d'Air Canada», fait valoir la missive signée par le président des transporteurs de passagers Ben Smith. «Si l'entente proposée est acceptée, elle nous permettra de transférer tous les milles Aéroplan au nouveau programme.»

Formé d'Air Canada, de la Banque TD, de la Banque CIBC ainsi que de Visa Canada, le consortium offre 250 millions $ en espèces et la prise en charge du passif des milles Aéroplan non échangé, ce qui est évalué à environ 2 milliards $.

La proposition a fait décoller le titre d'Aimia à la Bourse de Toronto, où il a clôturé à 3,39 $, en hausse de 89 cents, ou 35,6 pour cent. L'action d'Air Canada a pris 31 cents, ou 1,4 pour cent, pour terminer à 22,40 $.

Par communiqué, l'exploitant d'Aéroplan - qui compte près de cinq millions de membres - a confirmé que l'offre serait étudiée, ajoutant qu'il y avait récemment eu des discussions entre les deux parties.

«Le conseil d'administration d'Aimia avait mis sur pied il y a quelque temps un comité spécial dans le cadre de cette interaction et de ces discussions», a fait valoir la société établie à Montréal.

Les partenaires font miroiter une continuité pour les membres d'Aéroplan ainsi que pour les clients du transporteur aérien, de la Banque TD, de la Banque CIBC ainsi que de Visa Canada - qui ont tous des relations d'affaires avec Aimia. Le consortium, qui calcule que la valeur marchande de sa proposition est de 3,64 $ par action d'Aimia, exige une réponse d'ici le 2 août.

Cette situation survient moins d'une semaine après qu'Aimia, dirigée par Jeremy Rabe depuis la fin avril, a dévoilé des facettes de sa stratégie en vue de la fin de son partenariat avec Air Canada.

À l'origine, Aéroplan était le programme de fidélisation maison du plus important transporteur aérien au pays. Il a été essaimé en tant qu'entreprise indépendante en 2005.

Réunion?

Advenant une transaction, la ligne aérienne serait probablement l'exploitant du programme tandis que les trois autres joueurs seraient des partenaires pour les cartes de crédit.

La décision d'Air Canada, annoncée en mai 2017, a provoqué d'importantes turbulences chez Aimia, qui a vu son action abandonner environ 70 pour cent de sa valeur et a dû s'engager dans une importante restructuration.

Plusieurs observateurs se demandaient ce qui attendait la société après 2020.

«Compte tenu de la situation actuelle d'Aimia et de ses perspectives d'avenir, la transaction proposée offre une valeur aux parties prenantes d'Aimia», a fait valoir le consortium, dans un communiqué.

Au cours d'une entrevue téléphonique, le professeur titulaire au département de management à HEC Montréal Louis Hébert, ne s'est pas montré surpris des intentions d'Air Canada.

À son avis, la société aérienne avait du pain sur la planche pour monter son propre programme de fidélisation et elle a simplement décidé d'opter pour une solution clé en main, en dépit de ses intentions initiales.

«On se pose souvent la question si on doit le faire nous-même ou l'acheter, a expliqué M. Hébert. Il semble qu'Air Canada a conclu qu'il était plus simple d'acheter un programme qui fonctionne bien et qui est doté d'une bonne réputation.»

Depuis 2014, la Banque TD est le principal partenaire de la carte Visa d'Aéroplan. La CIBC continue aussi d'offrir des points de récompense Aéroplan qui peuvent être échangés contre des vols d'Air Canada et d'autres articles.

De l'étonnement

Toutefois, des analystes financiers se sont plutôt montrés surpris de l'offre.

Dans un rapport, Martin Landry, de GMP Valeurs mobilières, a reconnu que la décision pourrait être difficile à accepter pour les actionnaires d'Aimia puisque la décision d'Air Canada prise l'an dernier avait fait plonger le titre de la compagnie.

«Compte tenu de l'ampleur de la transaction, un vote des actionnaires d'Aimia sera probablement nécessaire et nous croyons que ceux-ci seront tentés d'accepter l'offre malgré le goût amer qu'elle pourrait leur laisser», a-t-il écrit.

Une transaction permettrait également à Air Canada d'éviter des «maux de tête» en ce qui a trait à la relation avec la clientèle, a estimé Doug Taylor, de Cannacord Genuity.

Pour sa part, Gabriel Dechaine, de la Financière Banque Nationale, a estimé que pour les institutions financières, la participation au consortium constituait une manoeuvre défensive.

«Les cartes de crédit sont parmi les activités les plus rentables des banques et le portefeuille d'Aéroplan est attrayant, a écrit l'analyste, dans une note. Nous estimons qu'il génère une profitabilité largement supérieure à 400 millions $ pour les deux banques.»

M. Dechaine a ajouté que les institutions financières voulaient probablement éviter d'ennuyer leurs clients avec un nouveau programme de fidélisation.