« Téo Taxi est le poster boy des start-up technos en transport au Québec. C'est rendu trop gros pour tomber », lance Marc-Antoine Ducas, président de Netlift, une application de transport planifié appuyée par certains des mêmes partenaires financiers que Téo Taxi (notamment la Caisse de dépôt et placement et Investissement Québec).

Marc-Antoine Ducas a pris contact avec La Presse pour réagir au reportage sur Téo Taxi publié la semaine dernière à propos d'une ronde de financement de 17 millions en préparation auprès des actionnaires actuels de l'entreprise fondée par Alexandre Taillefer. Le reportage soulignait aussi que Téo avait tenté, sans succès, d'attirer des investisseurs externes.

« Je suis assez préoccupé par ce qui se passe avec Téo », dit Marc-Antoine Ducas.

« Si Téo a des difficultés plus tard, ça risque d'entraîner beaucoup de belles jeunes entreprises dans son sillage. »

- Marc-Antoine Ducas, président de Netlift

« Si Téo tombait, le message que ça enverrait aux investisseurs est que si eux ne sont pas capables de le faire avec un investissement de 80 millions, les autres start-up ne pourront pas réussir non plus, car elles utilisent le même écosystème de recherche opérationnelle. On travaille tous un peu en collégialité. »

L'entrepreneur affirme que Téo est au milieu du transport au Québec ce que Bombardier est à l'aéronautique. « C'est-à-dire un élément polarisant. Un genre de pôle autour duquel les gens se positionnent. »

Le véritable enjeu, selon lui, est de savoir si le pari d'un parc de taxis électriques à Montréal devant un géant comme Uber, et en voulant rénover une industrie, sera payant ou non pour le gouvernement.

VOLONTÉ POLITIQUE

Pour Marc-Antoine Ducas, Téo serait déjà une entreprise de plusieurs centaines de millions aujourd'hui à New York, s'il y avait là-bas une volonté politique aussi forte qu'au Québec quant à l'électrification des transports.

« Le jour où le maire de New York est prêt à installer 250 000 bornes de recharge, il faut que Téo soit disponible pour répondre au premier appel d'offres, sinon Tesla va sauter dessus. »

Selon lui, le jour où Téo aura une offre suffisante, l'entreprise atteindra des seuils de rentabilité.

« On est en train de créer beaucoup de valeur autour de Téo. Il y a un noyau dur d'entreprises très prometteuses en transport intelligent au Québec. Les investisseurs doivent être résilients, patients et persévérants autant que nous le sommes comme entrepreneurs. »

TROP TARD ?

Sam Vermette, cofondateur de Transit, une application de transports intégrés, pense que Téo arrive peut-être trop tard. « Les gens de Silicon Valley n'ont pas d'intérêt à investir dans un modèle d'affaires basé sur des voitures électriques conduites par des chauffeurs qui profitent de bonnes conditions de travail puisque la voiture autonome s'en vient. »

De son côté, le cofondateur de la plateforme de réservations de billets d'autobus Busbud, LP Maurice - qui vient tout juste de boucler une ronde de financement de 14 millions -, affirme que l'appétit des investisseurs est grand dans le secteur de la mobilité urbaine ou intelligente, mais qu'il faut distinguer les projets lourds en infrastructures (comme Téo) de ceux dans le logiciel (comme Busbud).

« Mais on en voit, des investissements dans des projets d'infrastructures, comme dans des projets de vélos connectés en Chine, par exemple, bien qu'un vélo ne coûte pas le même prix qu'une auto. »

« BASE SOLIDE »

Selon Jacques Roy, professeur à HEC Montréal spécialisé en gestion de transport, il serait dommage que le modèle de Téo ne réussisse pas à percer.

« Avec des investisseurs comme la Caisse et Investissement Québec, c'est quand même une base assez solide. Mais on comprend aussi que l'État ne peut subvenir aux besoins de l'entreprise pour toujours si elle ne réussit pas à faire ses frais », dit-il.

« C'est un modèle d'affaires qui repose aussi beaucoup sur l'appétit des gens à être verts. Au-delà de la curiosité, il y a des gens qui utilisent Téo car il s'agit de véhicules électriques et ils y croient. Mais vous et moi, on va prendre le premier taxi qui passe. »

Photo Ivanoh Demers, Archives La Presse

Marc-Antoine Ducas, président de Netlift, une application de transport planifié.