Les Canadiens pourraient ne pas être tout à fait prêts à embarquer dans un avion sans pilote, mais les avancées technologiques dans les véhicules autonomes ouvrent déjà la voie aux vols commerciaux autonomes, une perspective de plus en plus attrayante pour les joueurs de l'industrie faisant face à un manque de pilotes.

Le consultant en aviation Mike Doiron estime que les vols sans pilote seront viables d'ici les cinq ou dix prochaines années, «mais à savoir s'ils seront acceptables aux yeux du public général de voyageurs, c'est une autre paire de manches».

La société montréalaise Bombardier observe la situation de près, alors que le rival américain Boeing et d'autres acteurs de l'industrie investissent dans la conception de systèmes qui pourraient réduire le nombre de pilotes dans les cabines ou permettre de se dispenser complètement de leur présence, ce qui pourrait signifier des économies annuelles de 35 milliards de dollars US pour le secteur aéronautique et l'aviation, selon un récent rapport de la firme UBS.

«Actuellement, nous estimons qu'il s'agit d'un secteur très effervescent, surtout en raison des discussions relancées sur le transport urbain aérien», a affirmé Fassi Kafyeke, directeur à la conception avancée et aux technologies stratégiques chez Bombardier Aéronautique, qui ne travaille pas actuellement sur des projets sans pilote.

À travers le monde, de jeunes pousses dans ce champ d'innovation sont avalées par plus de grands joueurs. Boeing a récemment acquis Aurora Flight Sciences, une entreprise qui conçoit des engins volants autonomes.

Et des chercheurs canadiens pourraient bientôt s'y tremper le pied par le biais la supergrappe Most21 établie au Québec, qui figure parmi neuf finalistes pour un financement fédéral.

La proposition de la supergrappe des systèmes et des technologies de mobilité du XXIe siècle doit s'attarder à six secteurs technologiques, incluant l'autonomie et la mobilité sur demande.

En plus des économies de main d'oeuvre, les avions sans pilote pourraient réduire le nombre d'erreurs attribuables à l'erreur humaine ou à la fatigue, à une époque où une pénurie de pilotes oblige les petits transporteurs régionaux à annuler des vols.

Le Canada devra embaucher 7300 pilotes et inspecteurs de vol entre 2016 et 2025, selon un document qui sera bientôt publié par le Conseil canadien de l'aviation et de l'aérospatiale (CCAA).

Le coût élevé de la formation, la faiblesse des salaires au départ et les conditions de travail éloignent les jeunes Canadiens de ce choix de carrière.

«Quand j'étais enfant, être pilote était une carrière très excitante. Aujourd'hui, les jeunes ont tellement de choix de carrières, quand ils constatent la faiblesse des salaires en commençant, le risque-récompense, les conditions de travail, ils ont tellement d'options», a dit le directeur général du CCAA, Robert Donald.

M. Doiron explique que la technologie ne réglera pas la pénurie de pilotes de sitôt, en raison des nombreuses années requises pour obtenir l'approbation des systèmes autonomes.

Le plus grand défi sera toutefois de convaincre les passagers: le rapport de la firme UBS révèle que seulement 17% des personnes interrogées monteraient à bord d'un avion sans pilote.

Même si le pilote automatique contrôle pratiquement la totalité des vols aujourd'hui, les passagers font surtout confiance aux pilotes.

«La qualité d'un bon pilote est son jugement dans des situations critiques», a dit Pascale Alpha, une porte-parole de la multinationale CAE, qui offre des services de formation au pilotage.

Elle croit qu'il faudra un bon moment avant que les avions commerciaux sans pilote soient prêts et acceptés par le public.

Le président de l'Air Line Pilots Association - Canada, le capitaine Dan Adamus, indique que les pilotes ont adopté la technologie, mais qu'ils demeurent irremplaçables pour régler les problèmes qui peuvent survenir même avec les systèmes les plus sophistiqués.

«Nous ne sommes même pas proches du moment où, d'après nous, les passagers seront prêts à sacrifier leur sécurité pour des vols plus abordables», a-t-il dit.

L'intelligence artificielle sera éventuellement capable de gérer tous les scénarios imaginables, croit Tim Risen, de l'Institut américain d'aéronautique et d'astronautique.

L'acceptation publique accompagnera le recours de plus en plus fréquent aux drones automatisés dans des secteurs comme l'agriculture et les ressources naturelles, ajoute-t-il.

«Tant que la sécurité est au rendez-vous (...) les gens commenceront à comprendre que cette technologie fonctionne vraiment comme on le prétend», dit M. Risen.

La transition vers les avions autonomes nécessitera aussi de nouvelles règles. Transport Canada a dit que les discussions concernant cette technologie émergente n'en sont encore qu'à leurs balbutiements.

La génération du millénaire est plus tolérante envers ce concept, mais personne ne saute de joie à l'idée de monter à bord d'un avion sans pilote, dit Stephen Rice, un professeur de l'université aéronautique Embry-Riddle qui a étudié les vols commerciaux autonomes.

«L'industrie du transport aérien prendra beaucoup plus de temps que les voitures, mais je n'imagine pas d'avenir sans ça», a-t-il dit.