Le litige commercial qui oppose Bombardier et Boeing entamera une étape critique, la semaine prochaine, lorsque les deux rivales se présenteront devant un tribunal commercial dont le jugement décidera ultimement de l'issue du conflit.

La Commission américaine internationale pour le commerce (USITC) tiendra des audiences, lundi, au cours desquelles Boeing expliquera pourquoi elle juge qu'elle a souffert - ou pourrait souffrir - de l'entente qui a vu Bombardier vendre des avions de la C Series au transporteur aérien américain Delta Air Lines.

Bombardier aura sa propre occasion de répondre aux accusations et devrait faire valoir que le contrat de plusieurs milliards de dollars portant sur l'achat de 125 avions n'a pas d'impact sur la santé financière de Boeing.

L'ambassadeur du Canada aux États-Unis, David MacNaughton, et son homologue britannique, devraient aussi assister aux audiences au nom de leur gouvernement, qui appuient tous deux Bombardier.

Les audiences représentent la dernière chance, pour toutes les parties, de tenter de convaincre la commission avant qu'elle n'émette son jugement final, vraisemblablement en février. L'USITC décidera alors si les avions de la C Series vendus aux États-Unis doivent être frappés de droits punitifs.

Dans sa plainte déposée au printemps, Boeing reprochait à Bombardier d'avoir profité d'importantes aides financières afin d'offrir des prix jugés «dérisoires» au transporteur américain afin de décrocher l'importante commande.

Le département américain du Commerce a déjà proposé des droits préliminaires totalisant 300 pour cent après avoir établi que Bombardier avait enfreint des règles commerciales. Ces droits punitifs ne s'appliqueront toutefois que si la commission donne raison à Boeing.

De tels droits étaient perçus comme très dommageables pour la C Series jusqu'à ce que le géant de l'aéropatial Airbus propose d'acheter une majorité des parts du programme. Il essaiera d'éviter les tarifs en assemblant les avions en Alabama.

Cette entente, qui a été annoncée en octobre et dont les détails n'ont pas été rendus publics, n'a toujours pas été approuvée par le gouvernement canadien, qui tente de déterminer si elle sera avantageuse pour le pays.

Les représentants de Boeing qui répondaient aux questions des journalistes vendredi ont toutefois affirmé que tous les droits liés à la C Series devraient également s'appliquer aux éléments de structure importants qui seront importés aux États-Unis.

Grand défi pour Boeing

Le fardeau repose surtout sur Boeing, qui doit prouver qu'il a perdu au change avec l'entente entre Delta et Bombardier.

Certains experts en matière de commerce croient que le défi auquel est confronté Boeing est considérable, puisqu'il n'avait pas fait de soumission pour le contrat de Delta - voilà l'argument du gouvernement fédéral et de Bombardier.

«Boeing n'a pas compétitionné et n'a pas été affecté par cette vente. C'est clair que cela n'a pas nui à Boeing», a martelé Nathalie Siphengmet, la porte-parole de Bombardier.

Les représentants de Boeing répondent toutefois que l'entreprise avait fait une soumission - et avait gagné - contre Bombardier pour un contrat avec American Airlines en mars 2016.

L'entreprise prévoit plaider que bien qu'elle n'ait pas fait de soumission pour Delta, les avions «subventionnés» de Bombardier risquent de nuire aux prochaines occasions d'affaires sur le marché américain.

Les audiences ont lieu moins d'une semaine après que le gouvernement eut puni Boeing en abandonnant ses plans de se procurer 19 avions-chasseurs Super Honets, fabriqués par le géant américain.

Le gouvernement canadien prévoit aussi commencer à considérer le «tort» que les entreprises font aux intérêts économiques canadiens avant d'accorder le nouveau contrat - ce que plusieurs perçoivent comme une flèche à l'endroit de Boeing.