La pression a encore monté d'un cran sur le gouvernement Trudeau jeudi pour qu'il agisse au plus vite afin de sauver le chantier Davie.

Un groupe sénateurs québécois a exhorté Ottawa à octroyer un contrat d'urgence au chantier naval de Lévis. Le temps presse, insistent-ils, alors que Davie a mis à pied 400 travailleurs au cours des dernières semaines et prévoit en licencier 400 autres avant Noël.

« Nous interpellons le premier ministre Trudeau ainsi que les membres de son cabinet, afin qu'ils accélèrent l'octroi d'un contrat qui pourrait assurer la survie de la Davie, a fait valoir Éric Forest, sénateur indépendant, dans un communiqué. Nous savons que le gouvernement dispose des besoins opérationnels et des moyens d'éviter ces mises à pied massives. »

Après avoir complété récemment le ravitailleur Asterix pour la marine canadienne, l'entreprise de la rive sud de Québec dit manquer de contrats pour soutenir tous ses travailleurs.

Davie s'attendait à être mandaté pour un deuxième navire du même type, l'Obelix, mais Ottawa a indiqué ne pas en avoir besoin.

Discriminatoire?

Les dirigeants de Davie ont multiplié les sorties médiatiques au cours des dernières semaines pour dénoncer l'attitude d'Ottawa, qu'ils estiment discriminatoire envers le chantier québécois. Ils affirment que les hauts fonctionnaires fédéraux ont « une dent » contre eux.

Le gouvernement fédéral a octroyé des contrats de plusieurs dizaines de milliards de dollars à deux chantiers de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique dans le cadre de sa stratégie maritime, mais celui de Lévis a été écarté.

Revoir la stratégie

En plus d'octroyer un contrat d'urgence à Davie, Ottawa devrait revoir de fond en comble sa stratégie maritime, estiment les sénateurs québécois de tous les horizons politiques qui ont fait une sortie médiatique ce jeudi. Parmi ceux-ci, on retrouve Pierre-Hugues Boisvenu, Claude Carignan, Serge Joyal, Chantal Petitclerc, André Pratte et Larry W. Smith.

« Dans un contexte où une main-d'oeuvre qualifiée comme celle de la Davie est très en demande, il est impératif de faire en sorte que ces employés qui possèdent une expertise cruciale ne quittent pas le Québec de manière précipitée et inutile », a avancé Dennis Dawson, sénateur libéral indépendant.

Montréal menacé?

Cette rare sortie des sénateurs québécois a coïncidé avec la publication d'un communiqué au ton alarmiste de Davie. Au terme d'une enquête menée auprès de 205 entreprises, Davie affirme que ses fournisseurs du Grand Montréal pourraient subir d'importantes pertes si Ottawa ne lui donne pas rapidement de nouveaux contrats.

« Concrètement, selon les premiers résultats de cette enquête, en plus des 800 professionnels du Chantier Davie qui seront mis à pied avant la fin de l'année, ce sont au moins 158 emplois qui seront perdus dans la grande région de Montréal en raison de l'inaction du gouvernement du Canada », a avancé Spencer Fraser, PDG de Federal Fleet, une filiale d'Inocea, le propriétaire monégasque du chantier Davie.

Ces pertes d'emplois montréalaises s'ajouteraient aux 350 postes qui seraient aussi perdus chez des fournisseurs de la région de Québec, avance-t-il.

Coalition

Davie bénéficie de plusieurs appuis importants dans sa bataille. Le premier ministre Philippe Couillard a récemment manifesté aux côtés de travailleurs du chantier, et plusieurs poids lourds du Québec inc. ont pris part à la sortie publique de l'entreprise, jeudi matin.

« La santé de l'économie québécoise doit être vue dans son ensemble et passe nécessairement par la vitalité de toutes les régions et le dynamisme de leurs différents créneaux d'excellence », a avancé Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat du Québec.

Stéphane Forget, PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, a quant à lui estimé que « le Québec doit recevoir sa juste part du budget canadien de construction navale ».

Trudeau interpelé

Le premier ministre Justin Trudeau a été interpelé jusqu'à la toute dernière séance de la Chambre des communes, mercredi. Talonné par des députés de l'opposition, il a confirmé qu'Ottawa ne commanderait pas de deuxième navire ravitailleur à Davie.

« Nous sommes toujours très préoccupés par les répercussions des pertes d'emplois sur les travailleurs et leurs familles et nous reconnaissons l'excellent travail accompli par les employés de Davie, a-t-il déclaré. Pour ce qui est de la construction d'autres navires, la Stratégie (maritime) met de côté deux milliards de dollars pour les projets concurrentiels parmi les chantiers navals canadiens incluant Davie. »