Les nuages ne cessent de s'amonceler pour Uber, maintenant accusé d'avoir mis en place un système organisé pour échapper à la justice, ajoutant aux tracas de son nouveau patron nommé pour remettre le groupe dans le droit chemin.

Selon un ancien salarié, le service américain de location de voitures avec chauffeur (VTC) a mis en place un système destiné à récupérer des informations sur ses concurrents et les régulateurs puis à les stocker sur des serveurs secrets, non connectés au système informatique d'Uber.

Uber «a mis en place une stratégie sophistiquée pour détruire, cacher, camoufler et falsifier des dossiers ou des documents dans l'intention d'empêcher ou de gêner des enquêtes du gouvernement» ou toute poursuite judiciaire en cours ou à venir, est-il écrit dans une lettre transmise par le ministère de la Justice américaine à un juge californien.

À cause de ce témoignage, partiellement rendu public lors d'une audience à San Francisco, la justice californienne a reporté sine die le procès qui devait opposer, à partir de lundi, Uber à Waymo, la filiale de voitures autonomes d'Alphabet (maison mère de Google).

Waymo accuse Uber, qui travaille aussi sur la conduite sans chauffeur, de lui avoir volé des secrets technologiques.

Selon Uber, ce témoignage n'a rien à voir avec Waymo et ne change rien au fond du dossier.

Il s'agit d'un nouveau boulet au pied de Dara Khosrowshahi, nommé fin août pour remettre le groupe sur les rails après des mois de scandales, avec, en vue, une entrée en Bourse en 2019.

Nettoyage

Une ambition qui exige de rendre le groupe présentable aux autorités boursières américaines qui éplucheront ses comptes. Il devra aussi convaincre les investisseurs potentiels que l'ère des scandales attachée à Travis Kalanick, l'ancien patron controversé poussé vers la sortie en juin par des investisseurs inquiets, est désormais révolue.

Mais si le nouveau responsable avait décrété récemment qu'Uber devait passer «d'une ère de croissance à tout prix à celle d'une croissance responsable», cet objectif sonne aujourd'hui comme un voeu pieux tant la tâche, herculéenne, semble s'apparenter au nettoyage des écuries d'Augias.

La semaine dernière encore, Uber a révélé le piratage, en 2016, des données de 57 millions d'utilisateurs, ce qui lui vaut d'être visé par des enquêtes. Le groupe est soupçonné d'avoir caché ce piratage pendant des mois.

Mais ce n'est pas tout: la justice américaine enquête aussi sur des soupçons de corruption à l'étranger ou l'utilisation d'autres logiciels illégaux pour espionner la concurrence ou échapper au contrôle des autorités. Dans plusieurs pays, Uber s'est mis à dos les taxis traditionnels, qui voient en lui leur mort programmée.

Les milliards de SoftBank

Le groupe a maille à partir avec des régulateurs à l'étranger, notamment à Londres, un de ses plus gros marchés, où il a récemment perdu sa licence. Lundi encore, c'est la justice israélienne qui a interdit Uber, en raison de problèmes liés à l'assurance des passagers.

Les accusations autour d'un système de dissimulation et d'espionnage industriel organisé arrivent au moment où le groupe négocie un énorme investissement, de plusieurs milliards de dollars, mené par le japonais SoftBank. Le consortium d'investisseurs devrait injecter 1 milliard en cash et souhaite aussi prendre une participation pouvant aller jusqu'à 14%.

Uber veut voir dans cet investissement une marque de «confiance» mais SoftBank est en position de force pour négocier à la baisse le prix des actions, en raison des déboires d'Uber.

Selon un porte-parole de SoftBank mercredi, les fonds «Benchmark, Menlo Ventures et d'autres investisseurs historiques ont l'intention de vendre des parts» au consortium.

Mais même si cet investissement est un bon signe, les problèmes d'Uber sont «endémiques et profondément ancrés dans la culture et l'image du groupe», estimait récemment l'analyste Rob Enderle.

D'autant que le groupe continue à perdre des centaines de millions de dollars. Selon la presse américaine, Uber, qui ne publie pas de comptes certifiés, a creusé sa perte au troisième trimestre, à 1,46 milliard de dollars.

Uber «a un long chemin à faire pour regagner la confiance des utilisateurs (...) et celle de la communauté financière», a commenté mercredi l'analyste Jack Gold.