Outré par les démarches de Boeing contre Bombardier, le syndicat des machinistes de l'avionneur québécois lance une contre-offensive de relations publiques pour défendre l'entreprise.

L'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA) a procédé lundi à l'installation d'un panneau publicitaire géant aux abords de l'autoroute 13 sur lequel on peut apercevoir un groupe de travailleurs devant un appareil de la CSeries avec le slogan « Tous debout ».

Deux vidéos seront également relayées sur les réseaux sociaux, en français et en anglais, avec le slogan « We stand proud ».

« Parfois, on n'est pas assez fiers des produits qu'on fait », a laissé tomber le coordonnateur québécois de l'AIMTA, Dave Chartrand, en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.

Le syndicat se propose également de multiplier les rencontres avec des élus afin que ceux-ci intensifient les pressions politiques pour contrer les décisions américaines.

« Tant que le public et les travailleurs se tiennent debout, ça force les gouvernements à continuer de soutenir notre industrie », a fait valoir M. Chartrand.

Boeing a obtenu du département du Commerce des États-Unis que celui-ci impose des droits compensatoires de 220 % et des droits antidumping de près de 80 % sur les avions de la CSeries de Bombardier, alléguant que la multinationale québécoise profite d'un soutien gouvernemental lui procurant un avantage concurrentiel déloyal.

Vision erronée

Pour Dave Chartrand, les tactiques employées par Boeing s'apparentent à celles d'un « fier-à-bras ».

Il estime que le géant américain, qui n'a aucun produit comparable aux appareils de la CSeries, ne fait que profiter du vent de protectionnisme qui a marqué l'administration américaine depuis l'élection de Donald Trump pour tenter de déstabiliser un compétiteur.

« Il y a 40 000 avions commerciaux à construire d'ici les 20 prochaines années. Il y a en masse de place sur le marché pour avoir un Bombardier, un Boeing, un Airbus, mais Boeing essaie de sortir complètement Bombardier de l'échiquier », dit-il.

Le geste de Boeing, selon lui, traduit une vision erronée de la réalité économique mondiale d'aujourd'hui.

« Tu ne peux pas agir de manière protectionniste à l'extrême parce que toutes les chaînes d'approvisionnement sont interdépendantes d'un endroit à l'autre. Avec la mondialisation, les marchés intérieurs n'existent plus. »

Il souligne que de nombreux sous-traitants, dont certains sont syndiqués avec l'AIMTA, sont des fournisseurs à la fois de Boeing et de Bombardier et que Bombardier elle-même a fait de la sous-traitance pour Boeing pendant plusieurs années dans le passé.

Boeing a lancé sa propre campagne publicitaire pour rappeler qu'elle fournit aussi du travail à quelque 2000 travailleurs au Canada, mais l'AIMTA rappelle que le secteur aérospatial représente, au Québec seulement, quelque 40 000 emplois dans 200 entreprises.

Dave Chartrand se défend d'ailleurs de vouloir attaquer les activités de Boeing au Canada.

« On ne dénigre pas Boeing, en autant qu'ils traitent leurs employés comme il faut. Ce qu'on n'aime pas, c'est de voir essayer d'écraser un compétiteur au point où ça éliminerait des milliers d'emplois non seulement ici, mais je pense qu'ils ont mal mesuré que ça en éliminerait aux États-Unis et au Royaume-Uni », fait-il valoir.

L'AIMTA représente 4500 travailleurs de Bombardier aéronautique au Québec, mais l'avionneur en embauche près de 10 000 dans la province et le syndicaliste estime que les efforts publicitaires de l'entreprise américaine ne dupent personne : « Je n'ai pas entendu Boeing dire qu'il allait remplacer les 10 000 emplois le jour où ils vont réussir à faire fermer Bombardier », laisse-t-il tomber.