Il ne sera pas facile pour Bombardier d'augmenter le prix de ses avions C Series à court terme, estime un analyste.

L'an dernier, pour relancer le programme d'avions de 108 à 160 sièges, Bombardier a vendu 45 appareils CS300 à Air Canada et 75 appareils CS100 à Delta Air Lines en dessous du prix coûtant, ce qui a grandement déplu à ses concurrents.

Dans une note publiée dimanche soir, Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, souligne que l'avionneur devra « améliorer les niveaux de prix sur les commandes futures pour amener le programme sur la voie de la viabilité à long terme ».

Or, ce ne sera pas une mince tâche, prévient l'analyste. Il rappelle que Bombardier prévoit faire passer sa production annuelle d'avions C Series de 32 en 2017 à au moins 90 d'ici 2020.

« Si l'on se fie au simple modèle économique de l'offre et de la demande, avec une offre oscillant de 90 à 120 avions par année et compte tenu des livraisons actuellement projetées, nous croyons qu'il n'y a pas assez de tension dans l'équilibre entre l'offre et la demande pour soutenir une amélioration significative des prix dans l'immédiat, écrit M. Chamoun. De plus, nous soupçonnons que les pressions concurrentielles des constructeurs établis [Airbus et Boeing] demeureront intenses. »

LE VÉNÉRABLE 737 ÉBRANLÉ ?

La question du prix de vente des avions C Series est au coeur de la plainte que Boeing a déposée devant la commission du commerce international des États-Unis (USITC). Le géant américain allègue que Bombardier vendra ses CS100 à Delta pour à peine 19,6 millions US alors que leur prix affiché est de 79,5 millions US et que leur coût de production atteindrait 33 millions US. Bombardier et Delta réfutent ces chiffres.

Boeing soutient que Bombardier concurrence de façon déloyale ses plus petits avions commerciaux, les 737-700 (128 places) et 737 Max 7 (138 places), en se servant des investissements de 2,5 milliards US effectués l'an dernier par le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt et placement. En fait, Boeing avance que Bombardier présente une menace encore plus grande, lui imputant la volonté de lancer un jour le CS500, une version allongée de la C Series de 150 à 180 places qui rivaliserait avec les appareils 737 de plus grande taille.

« Si on ne s'attaque pas aux pratiques de Bombardier, celui-ci continuera de recourir à des prix qui faussent grandement le marché pour éliminer le 737 Max 7 du segment des avions de 100 à 150 sièges », écrit Boeing dans un document déposé à l'USITC.

« Bombardier se servira ensuite des profits et de l'élan résultant de cette situation pour lancer le futur CS500 dans le marché contre les 737-800 et Max 8 de Boeing. Ce cycle se poursuivra jusqu'à ce que Bombardier construise une gamme complète d'avions monocouloir. »

- Boeing

COMMANDES EN PANNE

Delta s'étonne de la virulence de Boeing, notant que l'avionneur américain n'était pas vraiment dans la course pour sa commande de 75 appareils, s'étant contenté de lui proposer des avions Embraer usagés. De son côté, Bombardier fait remarquer que le contrat de Delta ne lui a pas donné d'élan particulier. À preuve, l'entreprise québécoise n'a vendu que deux appareils C Series depuis la commande de Delta... en Tanzanie.

Bombardier a reçu des commandes pour 360 avions C Series, dont environ 350 restent à construire, mais comme les livraisons de plusieurs appareils ne sont pas prévues avant plusieurs années, le calendrier de production comporte des ouvertures dès 2020, relève l'analyste Fadi Chamoun. Celui-ci croit néanmoins que les ventes de C Series reprendront et que l'engagement de Bombardier de générer des profits avec le programme à partir de 2020 est « à portée de main ».

M. Chamoun fait passer de « conserver » à « acheter » sa recommandation sur Bombardier, mais maintient son cours cible à 2,75 $. Dans le meilleur des mondes, l'action de l'entreprise pourrait franchir la barre des 5 $, voire des 7 $, d'ici 2020, entrevoit-il. Hier, le titre a gagné 3,6 % à la Bourse de Toronto pour clôturer à 2,33 $.